Poèmes primés 2022 : 1er prix
La naissance
Elle est attente, espoir. Ses pas, d’abord discrets,
Sont l’écho d’un cœur neuf qui commence de battre ;
Et, comme un feu couvant depuis longtemps dans l’âtre,
Un jour elle s’apprête à livrer ses secrets.
Et puis, par elle enfin, se dévoilent nos traits.
Nous voici donc au seuil d’un étonnant théâtre,
Où s’agite déjà, sous sa voûte bleuâtre,
Un riche essaim d’acteurs maladroits et distraits.
En ce monde inouï, qu’il faudra faire nôtre,
Nous trouverons peut-être un cher semblable en l’autre,
Un étranger sans doute au fond de notre esprit.
Plonger dans l’inconnu, ce n’est que cela, naître ;
Et là, sous un regard qui soudain nous sourit,
S’éveille alors en nous le sourd vertige d’être.
L’inextinguible soif
L’homme a toujours voulu découvrir et connaître :
ll traversa les monts, l’océan, les déserts,
Et du cœur des volcans aux sources des geysers,
Il n’est rien que son œil obstiné ne pénètre.
Les astres, qui le soir brillent à sa fenêtre,
Il les scrute et en fait des ouvrages diserts ;
Il sonde ce qui vit sur terre et dans les airs,
Et tente d’éclaircir le tréfonds de son être.
Ce sont les premiers pas du jeune explorateur,
L’imaginaire avide et vibrant du lecteur,
Ou les yeux grands ouverts de l’enfant à la vitre ;
C’est l’esprit pur du sage espérant s’entrevoir,
Ou le front du chercheur penché sur son pupitre,
Mais toujours brûle en nous cette soif de savoir !
Un sens à mon existence
Les notes et les mots illuminent ma nuit ;
Ils sont la source où mon esprit se désaltère ;
Mon cœur s’enivre d’eux, et, bien que solitaire,
Je ne me sens ni seul, ni miné par l’ennui.
Les vers et les accords m’ont lentement construit,
En conservant toujours leur superbe mystère.
Voilà mon vrai pays sur cette étrange terre,
Ce monde hypnotisé par l’image et le bruit.
Musique et poésie, ardents et chers murmures
Venant à flots subtils traverser les armures
Afin de faire naître un ineffable émoi.
Leur présence m’incite à vivre et vivre encore ;
Quand j’ai perdu la vue, elle a su mettre en moi
Les doux rayons d’une aube et l’espoir d’une aurore.
Élan vers la vie
Marche rêveusement, hardiment, mais sans chaîne ;
Laisse s’emplir d’air pur l’écrin de tes poumons ;
Entends ton cœur qui bat plus fort quand nous aimons,
Repoussant loin la peur de notre fin prochaine.
Parle avec retenue ou ferveur, mais sans haine;
Recueille les conseils plutôt que les sermons ;
Apprivoise la voix de tes propres démons,
Et fais de tout silence un vase d’oxygène.
Sois sage ou bien rebelle, en demeurant humain ;
Savoure chaque jour sans songer à demain:
Si précaire est la vie, et nous n’en avons qu’une,
Alors fuis l’amertume et le ressentiment,
Tente d’éteindre en toi le fiel et la rancune,
Et danse, danse encore, infatigablement !
LAURENT NOGATCHENSKY
Read MorePoèmes primés 2022 : 2ème prix
Longue nuit
à ceux qui dorment dehors…
Longue nuit, lourde nuit, sourde nuit ! Aucun rêve
Ne vient rompre le froid qui s’enroule sur moi.
Qu’il semble loin l’instant où le soleil se lève I
Qu’il semble chaud le lit sous n’importe quel toit !
Sombre nuit, vile nuit ! Sous mon carton humide,
J’entends le gargouillis d’une bouche d’égout,
Ultime compagnie en ce monde trop vide
Où tout ne revêt plus qu’un éternel dégoût.
Pauvre nuit, dure nuit ! Entre deux portes closes,
Je voudrais déchirer le ciel d’obscurité
Comme un drap trop épais et voir, sublime chose, Apparaître le bleu du jour et sa clarté !
Rude nuit, laide nuit ! Nuit immense et glacée
Tes étoiles ne sont que des flocons d’enfer
Qui tombent silencieux sur l’horrible chaussée
À travers la fenêtre ouverte de l’hiver.
Sonnet
RefIets d’or
Je rêve et je revois la mer aux reflets d’or
Qui de sa douce vague amuse le rivage
En jouant, à loisir, avec un coquillage
Tandis qu’un papa bronze et qu’une maman dort.
À l’horizon, la vague, aux mêmes reflets d’or,
Dans son onde engloutit, ténébreuse et sauvage,
Un radeau d’exilés, laissés sans équipage,
Avec le désespoir pour compagnon de bord.
Qui sont ces naufragés sans visage et sans nombre ?
Et pourquoi du soleil n’ont-ils le droit qu’à l’ombre ?
Comment se nomment-ils ? Qui les attend encor ?
Et la mer impassible, innocente, insolente,
Promène sur son dos aux flots de reflets d’or
Une éternelle vague assassine et tremblante.
À pas de loup
Tourne la lune autour du monde,
Tantôt d’ébène et tantôt d’or !
Quand vient le soir, la forêt gronde,
Peut-il y vivre un loup encor’ ?
La nuit se gonfle de mystère
Sous les yeux éclos du hibou,
Et roulant sur le Mont-Lozère
Passe la lune à pas de loup.
Tourne la lune à demi-ronde,
Moitié d’ébène et moitié d’or !
Le loup s’invite dans la ronde
Alors qu’on l’imaginait mort !
Qu’on la craigne ou qu’on la vénère,
L’ombre bestiale erre partout ;
Et flottant dans le ciel, légère,
Passe la lune à pas de loup.
LUDOVIC CHAPTAL
Read MorePoèmes primés 2022 : 3ème prix
À l’espoir de demain
Sur les remparts du soir, des petits cœurs de verre
Pleurent pour s’endormir sous les tirs incessants,
Et le vent porte, ému, les larmes d’innocents,
Messager des bambins dans l’horreur de la guerre.
Même le ciel a honte, explosé de carmin,
Devant l’humanité qui perd toute tendresse,
Quand du fond de la nuit, les enfants en détresse
Accrochent leur sommeil à l’espoir de demain.
Le songe les prendra pour retrouver Leur monde,
La chaleur du foyer, les baisers de flocons,
L’amour qui sait si bien étoffer les cocons,
Et la beauté des jours que la lumière inonde ;
Le préau de l’école ou le terrain de jeux,
Leur chien qui les attend, leur jardinet tranquille,
Et flâner dans les parcs… sans bombes sur la ville,
Pour chanter à tue-tête et se sentir heureux.
Alors au crépuscule, ils guetteront l’aurore,
La fenêtre est splendide aux premières lueurs ;
La gaieté des enfants naît de simples bonheurs,
C’est l’oiseau sur la branche et la paix qu’il arbore !
N’éteignons pas ce rêve où verdit l’avenir
Dans les regards d’enfants que le rire libère !
L’enfance est ce bourgeon tellement éphémère
Qu’un papillon en vol pourrait le voir fleurir !
Mémoire de fête
Je garde la photo d’un jour de fiançailles :
Ma grand-mère sourit, rose parmi les fleurs,
Elle avait à son bras tous les futurs bonheurs !
L’amour resplendissait en unissant leurs tailles.
Du grand-père inconnu, j’ai appris la bataille :
Partisan déporté, mort au camp de l’horreur.
Elle, la fleur en deuil, aux éclats de son cœur,
Tint la joie des petits derrière une muraille ;
Dans le secret des soirs aux soupirs étouffants,
Pour cacher le chagrin et bercer huit enfants,
Son silence pleurait un chant bien monotone !
La liberté de temps qu’ils voulaient enlacer,
Je la fête pour eux quand le huit mai claironne !
Pour l’enfant, l’avenir ne doit rien effacer.
Demain ne meurt jamais !
Jamais je n’oublierai les tout petits chaussons,
Tricotés en jacquard d’espoir et de tendresse,
Pour vos pieds sous ma peau rythmant de coups mignons,
La réponse de vie en notes d’allégresse.
La gourmandise allait barbouillant vos mentons :
Jamais je n’oublierai les tout petits chaussons,
Ceux fourrés à la pomme, arrosés de cannelle,
Vos sourires sucrés s’étiraient de plus belle !
Demain ne meurt jamais, c’est l’hier en chansons,
L’herbier des souvenirs s’enrichit pour y croire.
Jamais je n’oublierai les tout petits chaussons
Posés sur vos berceaux, attendant notre histoire.
Vous regarder partir vers d’autres horizons,
Pour mon cœur de maman qui voit à la chaussure…
Que vous avez grandi ! Mais une chose est sûre :
Jamais je n’oublierai les tout petits chaussons !
ELIZABETH ROBIN
Read MorePoèmes primés 2022 : Prix de poésie libre
J’aime en chemin
ces étonnants passages
ruisselants de cailloux
La coulée minérale
surprend le pas
à chaque avancée
et le regard défié
doit rapidement s’ajuster
pour éviter le plongeon
D’un chemin de bruyères
au ventre pierreux
monte avec insistance
l’appel des cailloux
Il encourage ainsi
la main de l’homme
à dépasser allègrement
le vertige d’un cairn
Le paysage penche
vers la mémoire
s’offre sans réserve
entre herbes et rocailles
à celui qui l’accueille
comme un secret dévoilé
D’un caillou
à un autre
dans la lumière
de mes pas
j’écoute
attentivement
le murmure
de la terre
Le chemin pèse
non pas de son poids minéral
mais de l’âme paysanne
qui l’environne encore
Entre la pierre immobile
et l’infini du ciel
la même présence divine
veille d’un amour démesuré
sur l’éclosion de mes pas
parmi les chemins de la Vie
Sur les chemins
marqués par le temps
la pierre s’est adaptée
aux pas sans faiblir
Elle garde en son cœur
la charge du monde
d’un calme admirable
qu’elle seule possède
Venue pour durer
Elle défie les saisons
et retient la vie
l’éternité est sa demeure
Le temps peut s’ébouler
la pierre étreindra toujours
avide de silence
le lieu de sa naissance
JEAN-CHARLES PAILLET
Read MorePoèmes primés 2022 : Prix du sonnet
APOCALYPSE
Vomissure giclant sous la voûte anémique
Entre noirceur turpide et cérulé clément,
Serait-ce la fureur de ton ressentiment
Que tu craches sur nous, ô globe totémique ?
Hélas ! Nul, ici-bas, ne craint l’ire cosmique.
Les peuples affligés d’un même aveuglement
Ont choisi d’ignorer ton lointain châtiment,
Plus prompts à s’immoler dans l’enfer atomique.
L’Homme vénal et fourbe a brûlé ses vaisseaux,
Englouti les forêts, corrompu les ruisseaux,
Oubliant qu’il te doit le Jour et l’Existence.
Rends grâce, Humanité ! Pupille du soleil !
Avant que l’univers par son omnipotence
Te plonge dans le feu de ton dernier sommeil.
HIVER INCARNÉ
Il vient en tapinois sans tambour ni trompette,
Éteint férocement de l’été les flonflons,
De l’automne ses feux peints aux flancs des vallons,
Le regard à l’affût : c’est une malebête.
Sur les troncs rabougris il brandit sa serpette,
La serre des frimas suspendue aux talons
Et, le poil hérissé d’algides aquilons,
Détrousse le soleil dans un vent de tempête.
Hiver ! Prince des freux aussi noirs que ton cœur,
Nul ne veut affronter la cruelle rancœur
Des crocs marmoréens de ta lippe vorace.
Tout dort ; tandis qu’au ciel tes larmes de poison,
Du parterre floral coagulent la trace
Dans le silence obscur de ta blanche toison.
LE JOUR NAUFRAGÉ
Le ciel a peint ce soir un camaïeu de rose
Et cousu de fils d’or la dentelle des flots,
Tandis qu’en messager des nitescents falots,
La lune s’arrondit pour mieux prendre la pose.
Sur le pont des bateaux où le grelin repose,
Seul vacille parfois l’œil glauque des hublots ;
Du ressac de la mer montent de longs sanglots
Que le baiser du vent sur le sable dépose.
Au-dessus du gaillard des frêles caboteurs
Planent, dans l’air du soir, de subtiles odeurs,
Pot-pourri de mazout, de poissons et d’écume.
Le jour chavire alors dans l’horizon marin.
Abîmant avec lui le poudrier de brume :
Est-il plus beau naufrage ! Est-il plus doux écrin !
DUEL ASTRAL
Par-delà le ponant où le jour se fissure
Lorsque l’ombre s’adoube au glaive du mistral,
L’on voit à l’horizon le souffle vespéral
Étendre sur les flots sa morne damassure.
L’azur ensanglanté lèche sa meurtrissure
Et veut reconquérir l’espace sidéral
ou chaque soir se joue un duel ancestral,
Mais la Sorgue le vainc d’une ultime morsure.
L’œil cherche alors l’appui des orbes lumineux
Suspendus au linceul d’un ciel vertigineux,
Comme pour s’affranchir de l’obscure Chimère.
Dans cette lutte à mort figurant son destin,
Tout homme vertueux s‘abandonne au festin :
De la noirceur il sait le triomphe éphémère.
ALICE HUGO
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Le buste du poète
Qu’on me donne un maillet, des ciseaux, une ripe,
Et qu’on me laisse seule à l’opium de ma pipe
Pour sculpter votre buste avec tant de ferveur
Qu’un seul regard vers lui fera naître un rêveur.
Fébriles sont mes mains et craintive mon âme
A ciseler l’éclat de votre ardente flamme,
A broder de fils d’or les limbes glorieux
Qui font de vous l’élu du domaine des dieux.
J’ai réchampi vos traits d’un sourire tragique,
D’un front haut tourmenté d’une ombre nostalgique,
De lourds sillons gorgés de noblesse et d’ardeurs :
Vous reconnaissez-vous, poète des Splendeurs ?
S’il faut, de vos talents, préserver la mémoire
Telle que je la tiens au creux de mon grimoire,
Je pétrirais l’argile et le bronze et l’airain,
Des siècles à venir vous ferais souverain.
O chantre sans égal d’une quête mystique,
Illustre bâtisseur d’une Légende épique,
Voyez combien mes yeux enchaînés à mon cœur
Disent que de la mort vous demeurez vainqueur.
Et sur le marbre nu dont vous êtes l’otage
Désemparé, si loin du branlant Ermitage,
Je n’aurai de répit pour faire rejaillir
L’âme de cette fleur que nul n’a pu cueillir.
Fantasmagorie
C’est un manoir hanté par des esprits malins,
Pressés, quand meurt le jour, de partir en vadrouille
Dans les ruines du parc où le silence grouille
Du thrène lancinant d’immondes gobelins.
Garde-toi de croiser ces spectres orphelins
D’un faste glorieux dévoré par la rouille :
Tapis sous les remparts, infernale patrouille,
Ils sèment sur tes pas des râles sibyllins.
Fuis ! Car nul ne survit aux poisons de leur bouche !
Le feu sombre et glacé d’un seul regard farouche
Condamnerait ton âme à d’infinis tourments.
Laisse le sang des murs abreuver les décombres,
Le sous-bois au linceul, la douve aux ossements,
Et les donjons maudits à la fureur des ombres.
Un oiseau de passage
Et le temps suspendit sa course vagabonde …
Quand elle m’apparut, marchant d’un pas léger
Sur le môle où l’été soldait son viager,
Plus belle que l’azur, plus grisante que l’onde !
Tout parut se figer dans la douceur côtière :
La mer devint un lac, miroir de sa beauté,
L’astre d’or lui fit don d’un ruban biseauté
Pour ceindre ses cheveux d’un tortil de lumière,
L’air pailleté d’embruns se fit si translucide
Qu’il gomma le décor. Ô doux aveuglement
De ne voir que l’objet de mon affolement
S’acheminer vers moi, vers moi seul, dans le vide !
Mon souffle vacillait ; j’étais sourd ; sans mémoire ;
Mes entrailles brûlaient jusqu’à mon front vermeil.
«Je meurs » me dis-je alors « Ou n’est-ce qu’un sommeil
Qui trompe ma raison par un songe illusoire ? »
« Mais je vois ! Je la vois ! Et voici qu’elle approche,
Ô fille de Vénus ! Mirage de velours !
Je veux être le brin qui ganse tes atours
Et sertir ma prunelle à la fleur de ta broche »
Hélas ! De ses yeux pers elle fouillait la grève
Bien au-delà du fou planté sur son chemin ;
Je respirais encor son parfum de jasmin,
Quand un son déchira le voile de mon rêve.
Tournant avec effort ma carcasse dolente,
Je la vis s’élancer à bord d’un caboteur
Pour couvrir de baisers l’élu de mon malheur,
Un robuste corsaire à la mine insolente.
Ah, comme elle exultait ! Combien j’étais sinistre !
J’aurais voulu crier à ma belle-de-jour :
« Regarde ? Je suis là ! Tu te trompes d’amour !
Mon âme a plus d’ardeur que celle de ce cuistre ! »
Mais fringante et légère elle quittait la place,
Me laissant misérable aux portes de l’enfer ;
Quand le soleil plongea dans l’horizon de fer,
Mon sang ne charriait plus que des copeaux de glace.
Elle avait disparu ma délicate aronde,
Ma nymphe, ma promise au bras de l’imposteur,
Sans même un battement de cils consolateur !
Et le temps poursuivit son implacable ronde …
Le sang du vitrail
Je m’étais égaré dans ces murs de prière
Un jour où le soleil chantait le mois d’avril,
L’un de ces matins bleus à l’arôme subtil
Que Lisbonne répand à l’heure printanière.
Elle était à genoux sous un puits de lumière,
Offrant à mon regard son délicat profil
Où coulait une larme. Une perle de cil …
Dieu ! Que dans sa douleur la dame était altière !
Elle implorait le ciel d’une voix familière,
Parlant de faena, d’indulto, de toril,
Un langage nouveau pour mon tout jeune exil
Qui n’avait de la foi qu’une ardeur séculière.
Je me soûlai des mots. Ah ! L’ivresse grossière !
En ce lieu consacré, je me sentis bien vil
De ne former des vœux autres que son babil
Montant avec ferveur de sa gorge princière.
Mon soupir égailla la divine poussière
Qui liait la pleureuse au vitrail, tel un fil ;
Sous le charme je fis un rêve puéril :
Je buvais le Saint Graal dans l’eau de sa paupière.
Poèmes primés 2021 : 2ème prix
« Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. »
Edouard Herriot
Meurtre d’enfant
Dieu sait combien c’est dur d’enterrer ceux qu’on aime
Aussitôt que leur corps succombe au poids des ans,
Mais la douleur rend fou lorsqu’à la morgue, blême,
On reconnait sa fille, encore à son printemps !
Il faut tenir, ensuite … église … cimetière …
Les yeux sur un cercueil abondamment fleuri,
L’esprit près d’une femme, avec la ville entière,
Pleurant le fruit d’amour qu’un malade a flétri …
Mais, de retour chez soi, le courage décline,
Embrume les regards tournés vers l’horizon,
Les abords du ruisseau dévalant la colline
Où l’homme la guettait, regagnant la maison.
Nous ne la verrons plus, hélas, quand la nuit tombe,
Refuser de dormir sans un tendre baiser …
Pourtant ne cherchez point notre enfant dans sa tombe :
En nos cœurs, bien vivante, elle va reposer.
Amours légendaires
Si j’étais, comme Adam, seul, sur terre avec Eve,
Réfrénant un désir plus brûlant chaque jour,
Je croquerais la pomme et choisirais l’amour :
Le véritable Eden est celui dont on rêve !
Si j’étais Osiris, mon ange de douceur
Prouverait que l’amour de la mort reste maître
En me ressuscitant … Notre enfant pourrait naître,
Ayant pour mère et tante Isis, ma femme-sœur.
Si j’étais Roméo, l’amant de Juliette,
Le clan des Capulet me condamnant à mort,
Nous fuirions tous les deux l’injustice d’un sort
Transformant en calvaire une idylle discrète.
Si j’étais le beau Tite, ex-débauché romain
Mais le futur César épris de Bérénice,
J’abdiquerais sur l’heure, avant qu’on la bannisse,
Incestueuse ou non, car je briguais sa main …
Criant partout le nom de mon inspiratrice,
Si j’étais comme Dante, écrasé de douleur,
Je laisserais l’Enfer consumer mon malheur,
Certain qu’au Paradis m’attendrait Béatrice.
Si j’étais Cyrano, « ma » Roxane au balcon,
J’aiderais de mon mieux Christian de Neuvillette
A me briser le cœur en faisant la conquête
D’un trop joli minois pour mon grand nez gascon.
Si j’étais Abélard, une vengeance inique
M’ôterait les moyens de mourir de plaisir
Dans les bras d’Héloïse, et j’aurais tout loisir
De regretter, comme elle, un élan platonique …
Quand la vie est banale, on veut l’enjoliver :
Je ne désire pas des amours de légende,
Des tourments si cruels qu’il n’est cœur qui se fende
Lorsqu’on les cite encor … Mais, ne puis-je rêver ?
Quand les vieux durent trop longtemps…
La maison de retraite s’impose
(Gérardine)
Dans le discret mouroir où son fils l’a casé,
Sur un aussi grand lit que son mouchoir de poche,
Il s’éveille perclus, toujours dépaysé,
Et, sachant le futur d’un vieillard plutôt moche,
Se fabrique un présent … de passé composé !
Heureux du trait d’amour que Cupidon décoche,
Il revoit sa compagne et leur gentil poupon :
Un garçon adorable, exempt de tout reproche
Avant que ne l’épouse un despote en jupon.
Au décès de sa femme, une absurde broutille
A nanti cette bru d’un prétexte fripon
Pour ravir son fauteuil de chef de la famille.
Depuis, de trop chez lui, de chagrin écrasé,
Il ruse avec la mort, nargue sa belle-fille,
Dans le discret mouroir où son fils l’a casé.
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Poèmes primés 2021 : 3ème prix
D’un cimetière à l’autre
J’étais au Montparnasse à chercher Baudelaire
Mais passai sans le voir car gravé sous Aupick.
Un spectre du dandy, lavallière et carrick,
Tel fixé par Nadar, s’extirpa de la pierre.
Il évoqua pour moi, sous l’if du cimetière,
Une inspiration marine à bord d’un brick,
Les démons grenouillant dans ses godets de snick,
Son désordre aphasique, état crépusculaire.
En franchissant la grille il parut évident
Que de Charles, ce jour, je fus le confident.
Dès lors, cessa ma peur d’être rendu poussière.
Car si je pars sans même offrir un beau quatrain,
Repose à Verdelot l’auteur Brice Parain
Qui pour m’instruire aura l’éternité entière.
Elançant ses rameaux
Elançant ses rameaux vers le soleil qui brille,
Une jeune glycine, allègre tourbillon,
Sous ses grappes de fleurs abrite l’oisillon
Qui dès le petit jour l’enivre de son trille.
Printemps après printemps, la plante pousse, vrille,
Enroule ses sarments sur chaque croisillon,
Enrobe les barreaux, coiffe le portillon,
De son galbe fougueux emprisonne la grille.
La canicule assèche hélas le végétal
Qui languit, étendu sur le brûlant métal …
La liane on délie alors de sa clôture.
Ainsi chacun de nous par l’amour attaché,
Voyant l’être qu’il aime à lui-même arraché,
S’il survit à l’instant, ne subit que torture.
NOIRCEURS
Petit, il eut pour gîte une grosse chaussette.
De pain mouillé de lait au bout d’une allumette,
On le gava si bien, qu’il devint grand, Coco.
Au jardin, son essor, il le prit du vieux saule.
Il amusait Maman. Juché sur son épaule,
Il piquait les boutons de son long caraco.
Un jour, il atterrit dans une cour voisine.
Je vis s’abattre alors la binette assassine,
Qui tailla, déchira mon pauvre et doux corbeau.
Qui fut le plus coupable ? Un doute affreux m’anime.
Moi, l’enfant dénicheur grimpant sur une cime,
Ou l’autre au préjugé porté comme un flambeau ?
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Poèmes primés 2019 : 1er prix
Le présent magnifique
Telle une main tendue au moment du naufrage,
Une lumière intense au milieu de la nuit,
L’amitié peint de bleu le front bas de l’orage
Et change en oasis la fureur et le bruit.
Comme, dans le désert, la source bienfaisante
Offre à l’homme égaré la fraîcheur de son eau,
De ce présent jaillit une force apaisante
Qui revêt de soleil le plus sombre tableau.
Sur le chemin semé de rires et de larmes
Se croisent des tourments et des bonheurs soudains.
Le chagrin se fait lourd à porter seul, sans armes,
Les plaisirs partagés sont de tendres jardins.
Quand l’amitié viendra frapper à votre porte
A petits coups discrets, surtout recevez-là ;
Un merveilleux ballet de colombes l’escorte,
Suivi de chérubins en habits de gala.
Roger Chevalier
Paysage d’hiver
De timides flocons se posent au matin,
Imprudents éclaireurs fascinés par la lande,
Dévorés sur-le-champ par la terre gourmande,
Mais préparant le sol à un autre destin.
Bientôt la neige étend, pour un joyeux festin,
Sur les toits et les prés, sa grande houppelande,
Et parsème les bois d’une riche guirlande
Dont perles et brillants parent le blanc satin.
Des enfants radieux façonnent le visage
D’un bonhomme béat devant ce paysage ;
Les foyers font danser leur lente exhalaison.
Le gentil ruisselet murmure dans la combe ;
Enfin quand, à son tour, doucement la nuit tombe,
Chacun clôt ses volets sur la rude saison.
Roger Chevalier
Lointain souvenir
La cité, la nation rêvaient de ce voyage.
Une foule fiévreuse attend dans le matin
L’aurore d’un espoir au milieu de l’orage,
Le messager porteur des signes du destin.
Les trois oiseaux géants, posés, cessent leurs trilles ;
La fourmilière humaine abjure les égards :
Son premier rang gémit, pressé contre les grilles ;
De jeunes insensés grimpent sur les hangars.
Et quand l’Homme paraît soudain dans la lumière,
Eclate brusquement la puissante clameur,
Unanime credo, chorale singulière,
Où se mêlent des chants aux larmes de bonheur.
Au pied de son avion le guettent les musiques,
Les hymnes, les discours, les levers de couleurs,
La troupe au garde-à-vous, les gestes symboliques,
Les mots accoutumés des maîtres bateleurs.
Autour de lui s’ébat la Cour de circonstance,
Ballet de conseillers et d’experts éminents,
Drapés de certitudes et bouffis d’importance,
Promenant sur les flots des regards dominants.
Enfin l’homme prend place, au milieu des vacarmes
Dans une limousine auprès du chancelier,
Piaffe à deux pas de nous qui présentons les armes,
Puis s’éloigne au galop, tel un preux chevalier.
Je revois bien souvent cette immense kermesse ;
C’était le vingt-six juin de l’an soixante-trois.
John Kennedy venait célébrer la grand-messe
À Berlin, près du mur où s’élèvent des croix.
Roger Chevalier
La récompense
Qui trop aime profit néglige d’être sage ;
Un aubergiste en fit le rude apprentissage.
Au temps jadis, Roland, gai luron du coteau,
Trouvant quelques bolets tapis parmi les herbes,
Les porte sans attendre au Prince du château,
Qui les reçoit, disant : « Tes cèpes sont superbes.
Pour te gratifier, prends cet écu d’argent ! »
Roland le remercie et file, diligent,
Pour s’offrir nourriture
Et conte l’aventure
A l’aubergiste, amer, qui songe, méprisant :
« Si, pour des champignons, il mérite une thune,
Que m’accordera-t-on pour un plus beau présent ?
Sans doute une fortune ! »
Le voilà qui mitonne un sublime festin
Avec viandes, poissons, desserts et chambertin :
De quoi gaver sans peine une belle assistance !
Il emmène au château ce banquet d’importance
Le montre au châtelain.
Le prince accepte, patelin,
Car il faire aussitôt le calcul de cet homme,
Et le vil intérêt qui le motive, en somme.
Lors pour récompenser son cadeau succulent,
Il donne à l’hôtelier…les cèpes de Roland !
Roger Chevalier
Read MorePoèmes primés 2019 : 2ème prix
Paris, le 5 février 1847
Monsieur Armand Duval
J’écris un dernier mot au seul de mes amants
Que j’espérais revoir, enfin, franchir la porte…
Hélas, vous le lirez lorsque je serai morte
Après un long calvaire aggravé de tourments.
Car depuis que j’ai dû trahir nos doux serments
Sans expliquer pourquoi j’agissais de la sorte,
Je punis tant ce corps que l’étisie emporte
Qu’il ne restera rien de ses appas charmants.
La lettre paternelle, Armand, saura vous dire
Combien m’a coûté cher le pouvoir d’interdire,
En poignardant mon cœur, l’élan qui nous lia…
L’huissier prendra ma couche, un roman*où s’abrite
Un pétale jauni de blanc camélia.
Mais vous gardez l’amour de votre
Marguerite.
Gérard Laglenne
* Manon Lescaut, dédicacé par Armand, point de départ du roman d’Alexandre Dumas Fils
À MES GRANDS-PARENTS
Je revois mon grand-père : un visage ridé,
Creusé des longs sillons tirés de sa charrue,
Alarmé d’un orage, d’une grêle incongrue
Menaçant la révolte…un cheval débridé.
Je le revois agir, avec des mains calleuses
Que gerçaient les hivers dévorant trop de bois,
Qu’agressaient maints outils, une bête aux abois,
Et qu’il cachait, oisif, comme brebis galeuses.
Je revois ma grand-mère, et plonge dans ses yeux
Trempés de l’eau du puits chichement consommée,
Brûlé des feux du four, d’une lampe allumée,
Grands de tous les pardons rassérénant mes cieux.
Je la revois sourire – hélas, nous étions dupes ! –
Et remplacer les fils disparus, prisonniers,
En celant son chagrin pour que soient épargnés
La ferme et les petits accrochés à ses jupes.
Je me revois, farceur, badin sempiternel,
« fatiguant » deux vieillards maltraités par la vie,
Le sol souvent ingrat, la bêtise, l’envie,
Mais qui pourtant m’offraient tarte ou bonbon au miel.
Surchargeant leur travail, si pénible naguère,
Je gambadais, futile, heureux d’avoir six ans…
-Ne me dites jamais du mal des paysans
N’ayant eu de repos qu’au fond d’un cimetière –
Gérard Laglenne
L’inoubliable amour…
Un souffle de chaleur aux lourds relents d’éviers
Monte de la mangrove où l’on force un passage,
Essayant de prévoir le cheminement sage
Entre les nymphéas et les palétuviers.
Le danger peut venir de puants crocodiles
Enfouissant leur proie au fond de ce bourbier,
Des boas, du jaguar tombant d’un jujubier,
Ou des sables mouvants, de venimeux reptiles…
Lors, laissant la sangsue attaquer les jarrets,
Du regard nous sondons les profondeurs de l’onde,
Aventurons le corps dans cette fange immonde
Sans oublier la jungle étouffant ces marais.
Dès qu’émerge un sol ferme, exempt de pestilence,
Abruti de fatigue, habillé de ficus,
Chacun s’écroule enfin parmi les hibiscus
Et la faune, apeurée, alentour fait silence…
Se taisent les aras, quelques oiseaux-moqueurs,
Les singes curieux, l’agaçante perruche :
Seuls grognent deux tapirs, amateurs d’une ruche,
Engageant un conflit dont ils sortent vainqueurs.
Guetté de l’urubu, lugubre sentinelle,
J’observe un papillon butineur de pistils,
Assimilant son vol aux battements de cils
Qu’avaient ses yeux d’azur jouant de la prunelle …
Tout parle d’elle encore…A quoi bon voyager,
l’Amazone et le Rhône évoquent son visage,
C’est lui que je découvre en chaque paysage,
Aucun dérivatif ne vient me soulager !
Périr, loin du terroir, n’a plus rien qui m’emballe,
Autant rentrer chez soi pour y finir ses jours :
Fuir ajoute au chagrin de mes chères amours
Réduites à fleurir une pierre tombale…
Gérard Laglenne
DOUX AVEUX SOUS LA LUNE
ELLE : Quand le soir, sybarite, erre au bleu des roseaux,
Poursuivant l’horizon d’une brise frôleuse,
Séléné s’abandonne à ses voiles, frileuse,
La source, de cristal, frémit en blancs réseaux.
Il me souvient d’amours, d’attendrissants oiseaux,
Dont le chœur assidu, sous l’aile ensorceleuse,
Contait, pour m’endormir, l’histoire fabuleuse
D’un prince de jadis, hantant le bord des eaux…
C’est la nuit que je pleure, étouffant de tendresse,
Implorant mes demains d’alléger ma détresse,
Mais nul écho jamais ne répond à mon cri !
La lune ignore, aux bois, mes sombres nonchalances,
Epouse vainement mon jardin défleuri !
L’astre emporte mon miel…et mes brûlants silences !
LUI : Mais, comme au vent fripon frissonnent les roseaux,
Votre corps vibrera sous ma lèvre frôleuse
Si, devant mon ardeur, vous n’êtes plus frileuse,
Offrant à mes baisers de sensibles réseaux.
Venez dans le sous-bois, quand dorment les oiseaux,
Combler de désirs fous la nuit ensorceleuse
Et découvrir, enfin, l’étreinte fabuleuse
Pendant laquelle on vole, on marche sur les eaux…
Nos amours, partageant des trésors de tendresse,
Effaceront sans mal les moments de détresse,
Et seuls ceux du plaisir vous tireront un cri.
Car le temps qui se perd en tristes nonchalances,
Peut refaire un éden d’un jardin défleuri
Pour peu qu’un doux aveu remplace vos silences…
Gérard Laglenne
Read MorePoèmes primés 2019 : 3ème prix
LES SEPT DE TIBHIRINE
Neuf trappistes, piliers de l’idéal chrétien
Cultivent l’arc en ciel aux jardins de poussière,
Du bouquet de couleurs, font jaillir la lumière
Car l’ardeur de leur foi porte le quotidien.
Ils jurent de rester en sol algérien
Où cloche et muezzin annoncent la prière.
Malgré l’embrasement de la fièvre guerrière
Qui fait fuir le commun, les neuf n’ont peur de rien.
De leurs jours ils font don par passion divine.
Sept frères subiront la démence assassine,
Sacrifice invisible aux confins de l’Atlas.
Et pour ultime outrage étouffé par l’enquête,
– Comme pour profaner leur vie au ciel, hélas –
Des cercueils pleins de sable avec leur seule tête.
Pierre Bernard
LES DOIGTS JAUNES
Jeune il se croit hideux. Il est traumatisé.
Douze ans, torse étoilé, son image l’attriste.
Oreilles, nez, il voit sur un panneau vichyste
Son faciès trait pour trait et son cœur est brisé.
Auteur-compositeur ce dandy mal rasé
Séduit les sex-symbols de ses tours d’alchimiste.
De Verlaine à Prévert…posthume mélodiste,
Il modernise. On crie au pillard anisé !
Elevant l’art mineur au rang de poésie
Il décline l’amour jusqu’à la frénésie,
Mots puisés dans sa chair et son âme en lambeaux.
Le chanteur que pourtant, un grand nombre rembarre,
Me trouble, m’éblouit, de Gainsbourg à Gainsbarre …
Quand l’être et l’art ne font qu’un, dès lors les deux sont beaux.
Pierre Bernard
EN DROGUET GRIS
Combien de jours perdus, par lui-même détruits
De soleils éclipsés par des sombres rayures
De lunes sans clarté couvertes de hachures
Il aura vu passer à travers un pertuis ?
De cet univers clos il connaît tous les bruits
Les barreaux que l’on sonde et le choc des serrures
Les hurlements d’angoisse au réveil des blessures
Les coups que l’on échange en des instants fortuits…
Il rêvait du meilleur, pour ses enfants, sa femme
Il ne leur a légué qu’une existence infâme
De désespoirs, de pleurs et de lointains parloirs.
Il est un père, un fils mais toute la famille
Jusque dans la centrale, au fin fond des couloirs
Subit les discrédits dont la rumeur fourmille
Pierre Bernard
Confession
Dévoré de remords je ne peux oublier.
Du passé, des reflets viennent frapper ma glace.
Je revois mon erreur et mon être se glace.
En moi, grain après grain, gronde le sablier.
Ma pudeur a changé mon cœur simple en geôlier,
J’emprisonne ma honte et je la cadenasse
Car de mon âme à vif suppure ma disgrâce.
Dois-je m’immuniser, forger un bouclier ?
Un confesseur dirait ma faute rémissible.
Mon for intérieur la rend inadmissible,
Son sel creuse une plaie ouverte à tout jamais.
Ma mère aurait sa place au rang de bien des saintes.
Les bontés de mon père ont laissé mille empreintes.
Mon tort ! N’avoir pas dit combien je les aimais.
Pierre Bernard
Read MorePoèmes primés 2019 : Prix de poésie libre
Soir et matin
Soie pourprée, linceul
du jour qui meurt.
Le soir étend son aile de cendre
dans un ciel griffé d’étourneaux,
leur cri rauque à la remorque
du crépuscule.
La lune jaune troue la nuit
de son œil rond de cyclope,
la multitude muette des ténèbres
monte à l’assaut des dernières lueurs
suspendues au feuillage
des grands arbres.
Demain après l’aube
se lèvera le grand midi
gorgé de quartz et d’or
et dans l’herbe froissée
un grand fatras d’insectes
glorifiera l’été.
Régine Bernot
Petite musique du matin
Repus de nuit, les yeux encore embrumés de rêves,
nous nous attablons devant le thé qui doucement infuse.
Un bruit à la fenêtre et nous tournons la tête
vers le chat qui frappe au carreau.
Ses yeux d’or, deux abeilles ardentes, se posent sur nous.
Enfouis dans la paix molle du matin, nous l’ignorons.
Le thé brûlant versé dans nos tasses,
nous écoutons la radio d’une oreille distraite
et les nouvelles ricochent sur l’eau calme de nos abandons.
Mais le chat insiste d’une patte impérieuse contre le carreau,
il veut sa part de chaleur et de caresses.
Nous échangeons beurre et confiture
et nos mains se frôlent comme deux tourterelles.
Nous beurrons nos tartines avec application,
faisant tinter des mots de rien,
juste pour entendre nos voix.
Nos corps retrouvent peu à peu le tempo du jour qui enfle,
adagio puis allegro
tandis que la patte du chat bat prestissimo,
avec la régularité d’un métronome ;
Tu as fini par te lever pour lui ouvrir le battant
Tu dis : Lui aussi a droit à sa part de tendresse.
Le chat s’est précipité vers son bol de croquettes
sans un regard pour nous
et nous avons ri de tant d’indifférence.
Régine Bernot
Crépuscule
Nous nous asseyons en bordure du jardin
dans les dernières lueurs du jour qui nous quitte.
C’est l’heure où tout s’apaise
entre chien et loup.
La terre mouillée par l’arrosage
exhale des odeurs primitives.
Les jacasseries des insectes ont cessé,
les bruits glissent dans la nuit réglisse.
Dans le ciel corbeau qu’harponne la cime des cyprès,
la lune ronde et molle comme une femelle gravide
a des éclats de porcelaine.
Nous rebroussons sans fin le chemin de nos souvenirs
et nos mots chuchotés virevoltent autour de la lampe
qui fait danser nos ombres,
par saccades comme dans un film muet.
Nous nous effleurons du bout des paupières
dans des tendresses de faon
tandis que la nuit lâche ses louves.
Régine Bernot
Rendez-vous au petit matin
Battement bleu des ailes
dans le matin clair,
une façade que maquille un reflet de soleil,
des remugles de cave dans les flaques d’ombre
d’une nuit qui s’attarde
et s’encagnarde dans les coins.
Le cri d’un volet qu’on ouvre,
une lampe allumée derrière le rideau,
les ombres mouvantes, pans coupés d’une vie.
Un pas neuf sur le trottoir de la boulangerie
et le carillon de la porte, son souffle tiède
avec l’odeur du pain tout juste sorti du four.
La rumeur crescendo à chaque carrefour
et, au gré des rues, tes pas hardis
qui te mènent sous les albizzias de la place
où tu as rendez-vous avec elle
et où tu conjugues l’attente
avec le passé simple de ton cœur.
Viendra-t-elle, jaillissant du couvert ?
Tu la vois déjà
qui s’avance vers toi,
vêtue d’insouciance bleue,
son pied dansant sur l’asphalte,
et son corps palpitant de lumière.
Régine Bernot
Read MorePoèmes primés 2018 : 1er prix
Qui suis-je ?
Sonnet
Mon nom à lui tout seul remplit un hémistiche,
Ma rime est masculine et mes mots chatouilleurs,
Je déteste les vers boiteux ou bégayeurs,
On me dit corruptible, aimant la rime riche.
Des beaux yeux d’un sonnet certain jour je m’entiche,
Et le suivant je valse aux bras des rimailleurs,
Qui d’un enjambement m’emportent vers l’ailleurs,
Où je me laisse prendre au jeu de l’acrostiche.
J’use de la litote avec un bel entrain,
Et de la métaphore au profond d’un quatrain,
J’aime que sur la page exulte le phonème !
Ah ! je pratique aussi l’art de l’élision..
Vous voulez un indice ? « Amante du poème »
Alors..? Je suis..? Je suis..? «Ver..si..fi..ca..tion » !
Marie-Alberte Chanay
Mes mots ont la bougeotte
Maillet
Voyez comme ce soir mes mots ont la bougeotte !
Folâtres à souhait, ils frôlent les vallons,
Butinent en passant le verbe ou la litote,
Puis s’envolent au loin tels de légers ballons.
Hier bien à l’abri derrière une quenotte,
Voyez comme ce soir mes mots ont la bougeotte !
Imitant à l’envi le vol d’un cormoran,
Ils se laissent porter par l’âme du joran. *
Pressés de s’égayer en joyeuse cohorte,
Ils osent un plongeon au cœur de l’encrier,
Voyez comme ce soir mes mots ont la bougeotte !
Et sur ma page blanche entendez-les crier !
Ils viennent déloger au fin fond de ma glotte,
La pure quintessence, à l’instar d’orpailleurs,
Je leur offre en becquée une rime d’ailleurs,
Voyez comme ce soir mes mots ont la bougeotte !
* Le joran : ensemble des vents du nord-ouest
Marie-Alberte Chanay
La muse survivante
Ballade
Souviens-toi ! La chanson de geste
Faisait les jours médiévaux,
On combattait avec la peste,
Roland mourait à Roncevaux. *
Rutebeuf taclait les dévots, *
Dans les tripots où l’on s’enivre,
Villon se faisait des rivaux, *
Pour eux, je me dois de survivre !
Le calame de Ronsard, preste,
Frôlait Cassandre ou Isabeau, *
Corneille n’était pas en reste,
Pour sa marquise au corps si beau. *
Lamartine aimait le pavot, *
Quand viendra la saison du givre,
On en couvrira son tombeau, *
Pour eux, je me dois de survivre !
D’une démarche encore leste,
Hugo franchissait les coteaux,
Un bouquet de houx sous sa veste, *
De Nerval portait des chapeaux. *
L’absinthe allumant des flambeaux,
Rimbaud barrait une barque ivre, *
Verlaine gardait des chevaux *
Pour eux, je me dois de survivre !
ENVOI
Un jour, délaissant leurs cerceaux,
Des enfants en ouvrant un livre,
Découvriront l’or de leurs mots,
Pour eux, je me dois de survivre !
* Références à la vie ou aux poèmes des auteurs cités
Marie-Alberte Chanay
Pauvre monsieur Littré !
En ce temps là le style était au marinisme,*
Le répugnant cafard* était religieux
A Venise on faisait du charme au védutisme,*
Et le pouvoir des mots était prodigieux !
La planète*disait quelque bonne aventure
A ce pauvre manant devenu bien grossier,
Parfois on se guédait* d’une horrible biture,
Ou l’on s’esbaudissait* devant un beau fessier.
La science inventait le frêle stasimètre*,
On morguait* le destin et gourmandait* la mort
Puis on blézimardait*comme on émonde un hêtre,
Septentrion* était un ancêtre du Nord.
Les discours étaient fats ou bien billevesées*
On riait à l’envi de ces fesse-Mathieu*,
Ou de pauvres gandins* aux moustaches frisées,
Et souvent le dimanche on excipait* un dieu.
Mais à l’heure maudite où se meurt l’orthographe,
N’est-il pas incongru de voir un « illettré »
Rimer avec le nom de ce lexicographe,
Philosophe érudit, je veux nommer : Littré !
* Mots tombés en désuétude ou ayant changé de sens, en près de cent cinquante ans.
Marie-Alberte Chanay
Read MorePoèmes primés 2018 : 2ème prix
Le mulet de Crète
Sur les rochers poudreux de son île de Crète,
Un mulet d’âge mur allait, jour après jour,
De la terre au moulin, de l’atelier au four,
En portant sur son cœur une peine secrète.
Contre le vent chargé de sel ou de frelons,
Il traînait ses fardeaux sans en voir l’injustice,
Mêlant dans sa vigueur de monture métisse
La santé des baudets aux nerfs des étalons.
Sous sa modeste échine astreinte au bat féroce,
Son œil noir entouré de longs cils charbonneux
Semblait dire combien le temps serre ses noeuds
Autour du col soumis du valet que l’on rosse.
Sans jamais démontrer le moindre entêtement,
Ayant dans le labeur toujours plus de largesse,
Son regard était lourd de cette humble sagesse
Qu’espèrent les penseurs sans la trouver vraiment.
Pour venir caresser sa robe d’un bai sombre,
Les femmes quelquefois s’écartaient du chemin
Mais bien qu’il adorât les frissons de leur main
Il n’espérait jamais qu’un peu d’avoine et d’ombre.
Il oeuvrait sans relâche et n’avait jamais fui,
Pourtant diminué par l’ouvrage inlassable,
La nuque dans le sang, les sabots dans le sable,
Car il savait qu’un homme avait besoin de lui.
Si quelque enfant farceur avait chassé la bête,
De son âme ignorant l’immense loyauté,
Dès le soir, toute l’île aurait vu, par bonté,
Le mulet revenir auprès de sa charrette.
Léo Porfilio
Avec ton souvenir
Un jour que sa fureur était inassouvie,
Le Temps a décidé de te prendre à ma vie ;
Tu reposes depuis sur les eaux du sommeil
Et ton âme est assise au milieu du Soleil.
Vaillante passagère au quai de l’existence,
Tu repoussais le train du funeste silence
En espérant toujours, à chacun de tes pas,
Qu’il s’attarde longtemps et qu’il n’arrive pas.
A travers les volets de ta dernière chambre,
Tu regardais passer les oiseaux de septembre
En attendant de voir, comme un sursaut d’espoir,
Un petit corbeau bleu descendre dans le soir.
Mais souvent le malheur ignore les prières :
Un matin, dans le bain des premières lumières,
Le train est arrivé du fond de l’Inconnu
Et le petit corbeau n’est jamais revenu.
Tu n’es plus parmi nous mais je te parle encore,
Comme parle la nuit aux longs feux de l’aurore,
Et tu restes, vois-tu, comme un éclair vainqueur,
Un astre qui rayonne aux ombres de mon cœur.
Tu restes près de moi puisque rien ne t’enlève,
J’ai gardé tous les fruits de l’âme qui s’élève,
De ton âme sublime, haute de son vivant
Et qui court désormais dans les frissons du vent.
Une peine invincible a drainé mon essence
Et je porte à jamais le joug de ton absence,
Mais tu combles déjà mon brumeux avenir :
Vivre sans toi, c’est vivre avec ton souvenir.
Léo Porfilio
Read MorePoèmes primés 2018 : 3ème prix
Cavatine
De chaque aube sans toi naît une mort nouvelle.
Sur l’estran, le flot mire aux nacres du buccin
Ton sillage affouillant le miroir du bassin
Où je crus t’amarrer, fougueuse caravelle.
En ces heures au vent que jeunesse échevelle,
Je me voulais Mozart quand, sur l’ove d’un sein,
Mes arpèges fugitifs te faisaient clavecin,
Tant j’aimais ce soupir où l’âme se révèle.
Je n’ai rien oublié des multiples accords
Que mes doigts, allegro, pianotaient sur ton corps,
Actant la reddition de l’esclave mutine.
Sous mes mains se morfond l’ivoire d’un clavier
Chaque soir orphelin de notre cavatine,
Mais je n’attendrai plus tes pas sur le gravier.
Guy Vieilfault
Lied de la vieille fille
A tant donner de temps au temps
Elle a laissé couler les heures.
Belle elle fut dit-on pourtant
Aux jours d’avant mais ne demeure
En sa mémoire qui se meurt
Que des ombres sans cœur battant.
S’appelait-il Jean, Pierre ou Gilles,
Régis ou peut-être Martin,
Prince chenu, jeune nubile,
Amant timide ou libertin
Celui qu’un beau jour le destin
Mena aux portes de sa ville ?
Fallait, soeur Anne inassouvie
Dolente au sommet de sa tour
Et que les ans ont desservie,
Pour forlancer le troubadour
Lâcher les chiens au laisser-courre
En abaissant le pont-levis,
Et ne point détourner la tête
Lorsque l’amour vint à passer.
Si, en ce jour, d’aucunes font fête
Alors qu’en vain vous rêvassez,
C’est qu’aux vêpres du temps passé
Vous fûtes trop sage nonette.
A tant donner de temps au temps,
Du bel été à Chandeleur,
Elle a bouqueté ses printemps
Près de l’horloge scandant ses leurres
Et, nostalgique chantepleure,
A jamais tari ses vingt ans.
Guy Vieilfault
« Paris qui n’est Paris qu’arrachant ses pavés » Aragon
Paris-passion
Paris grondant, belle colère,
Ses soirs d’été quand nous passions
(Souvenez-vous, oh mes passions !)
Paris d’avant, ma folle enchère,
Comme ta voix forte m’est chère
De la Bastille à la Nation !
Furent-elles, ces barricades
Embocageant à tout jamais
Nos souvenirs de mois de mai,
L’ultime créneau où gambadent
Notre bel âge aux retirades
Et cette fille que j’aimais ?
« Sous les pavés, on voit la plage ! »
Hurlaient les murs refleurissant
De roses rouges, roses-sang.
Dans la cité, mon beau village,
L’aube naissait à son corsage
Et nous aimions tous les passants.
Comme à la tonne qu’on débonde
Fébrile, à grands coups de maillet,
Pour le quatorze de juillet,
En longues coulées vagabondes
Nous nous enivrions du monde
Et ses yeux d’or pâle riaient.
Paris naissant, douce Lutèce,
D’un creux de Seine au lent courant,
Paris hâbleur s’exaspérant
Du drapeau noir de nos jeunesses,
Je me languis – et le confesse –
De nos hiers irrévérents.
Guy Vieilfault
Read MorePoèmes primés 2018 : Prix de poésie libre
Triptyque des fleuves
Sagesse
La terre dans sa sagesse
S’est inclinée
Pour qu’enfin
Les rivières et les fleuves
Apprennent à couler
*
Temps
S’effritent les miettes du temps
La semence des jours
Se répand sur les rives
Le soir dissipe le gribouillis des heures
Et les fleuves chantent
Déjà la mer
*
Il est des fleuves
Il est des fleuves si longs
Que les rêves s’y perdent
Il est des fleuves
Dont la source
Se dilue dans l’estuaire
Frédérique Bernard
Triptyque de l’océan
Océan
L’océan offre ses prairies d’algues
ses forêts et ses montagnes
la mélodie des vagues
sur les cheveux du corail
le glissement des vagues
sur son ventre
Le rivage recueille les notes
de la partition
*
Abandon
L’océan limaille le ciel
dilate l’écriture du vent
le végétal est impuissant
la dune s’abandonne
rien ne dure
et rien ne s’achève
*
Genèse
Quand la lune
se marie à l’océan
il se gonfle de contentement
advient la marée
Quand la lune
se rapproche encore
de son bien-aimé
le soleil exprime sa jalousie
et invite le vent
De cette osmose
naît la tempête
Frédérique Bernard
Frédérique Bernard
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Poèmes primés 2017 : 1er prix
Toi
Toi le fougueux Sisyphe étranger sur la terre
Qui roules ton rocher absurde et solitaire …
Toi qui vis dans un monde où tout te semble vain
Un monde sans saveur comme un pain sans levain …
Toi qui cherches l’amour dans les yeux d’une femme
Qui veux donner un sens aux élans de ton âme…
Toi qui n’as pas choisi entre doute et désir
Qui voudrais tout lâcher qui voudrais tout saisir …
Toi qui dois malgré tout adopter l’attitude
De l’homme résigné devant sa servitude…
Je sais ton mal de vivre et ta soif de savoir
Et c’est pourquoi ce soir j’ai voulu te revoir …
Je ne te dirai pas le bonheur de ce monde
Mais je te parlerai du soleil et de l’onde
De l’odeur de la terre aux aurores d’été
De ce rire d’enfant d’où jaillit la clarté …
Oui je te parlerai de tout ce qui parfume
Du givre sur la branche et du canal qui fume
Je te raconterai la douceur d’un baiser
La couleur de l’azur sous le ciel embrasé …
Et puis ce concerto émouvant et superbe
Qui rend l’homme serein et met l’espoir en herbe
Et qui vient apaiser le cœur l’âme et le corps
Quand la nuit doucement estompe les décors …
Jean-Paul SILVANO
Le bonheur en héritage
J’ai pris ta main comme une fleur
Qui viendrait juste d’éclore
Et j’en garderai la senteur
Secrètement jusqu’à l’aurore …
J’ai pris ta bouche comme un fruit
Qu’on cueillerait dans la campagne
Et le printemps qui me sourit
Dans ce long baiser m’accompagne…
J’ai pris ton corps comme une vague
Qui déferlerait sur mon corps
Et tandis que mon coeur divague
J’oublie le monde et ses décors…
Et nous vivons alors ensemble
Un tendre et merveilleux partage
Avec nos rêves qui vont l’amble
Et le bonheur en héritage …
Jean-Paul SILVANO
J’aurais longtemps cherché
J’aurais longtemps cherché les mots pour te le dire
Cet espoir qui respire au cœur de la maison
Que chaque retrouvaille et chaque éclat de rire
Ont rendu plus profond de saison en saison…
J’aurais longtemps cherché les gestes qu’il faut faire
Pour donner à l’instant sa raison d’exister
Et laisser au bonheur la place qu’il espère
Quand le soir nous invite à la sérénité…
J’aurais longtemps cherché les chemins qu’il faut prendre
Pour faire de demain tout un ravissement
Et de l’aube câline où tu sauras m’attendre
Un havre de tendresse et d’éblouissement…
J’aurais longtemps cherché comme le « Bateau ivre »
Le port où l’on accoste un beau jour de printemps
Dans les parfums de menthe et la douceur de vivre
Pour forger un amour à l’épreuve du temps…
Jean-Paul SILVANO
Il nous faudra longtemps
Il nous faudra longtemps pour convaincre le monde
Que le mal est profond et qu’il poursuit sa ronde
Insensible au malheur qui s’abattra demain
Sur le règne animal et sur le genre humain…
Il nous faudra longtemps pour sauver cette terre
Pour que ce chant d’espoir soit l’écho salutaire
Qui puisse résonner en chaque être ici-bas
Afin qu’il ne soit pas le dernier des combats…
Il nous faudra longtemps pour qu’enfin ce message
Rende l’homme plus humble et surtout bien plus sage
Pour que vivent en paix la fleur et l’arbrisseau
La mer et la forêt la plage et le ruisseau…
Parce que nos enfants en guise d’héritage
N’auraient que les débris de ce triste naufrage
Parce que nous vivons au milieu du danger
Auquel nul d’entre nous ne peut être étranger…
Parce qu’à l’horizon un drame se dessine
Que c’est le bonheur même ainsi qu’on assassine
Parce que la nature est mère de beauté
Qui donne à l’univers toute sa dignité…
Il faudra que longtemps nous nous battions encore
Pour que sur la planète une sublime aurore
Eclaire de nouveau le cœur de nos maisons
Et rende leur splendeur aux futures saisons …
Jean-Paul SILVANO
Read MorePoèmes primés 2017 : 2ème prix
Terza rima pour un leurre
J’irai danser ce soir, j’ai mis ma robe blanche
Mon jabot de soirée et mes souliers vernis,
Et puis je poserai du fard sur mon dimanche
Mon miroir retiendra mes profils rajeunis,
Je grimerai les torts d’une mèche rebelle,
Corrigeant l’impudeur des mirages ternis.
L’écho de ma jeunesse à l’instant m’interpelle,
Pour parer de soleil les traits de mon destin,
De ce leurre, à huis clos, je me ferai plus belle.
Ma muse, en verbe neufs, oubliera son latin,
Offrant à mes émois des rimes de lumière,
Nous valserons, bien sûr, jusqu’au petit matin.
Quand l’aube aux yeux fervents, de grâce coutumière,
Raccordera le jour à mon rêve épuisé,
Ma triste solitude en sera prisonnière,
Comme le chant final d’un poème abusé.
Marie Louise SIMION
Triste rengaine
Sous le pont des amours lassées,
Coule le temps,
Coule la peine.
Il est parti
Un soir d’été,
Avec une autre demoiselle.
Triste est la lune,
Tombe la pluie,
Il est parti,
Un soir d’été.
Les cœurs se brisent dans le vent,
Au loin s’en vont les beaux serments.
Sourd est la nuit,
Tombe la pluie,
Un soir d’été,
Il est parti.
Sous le pont des amours lassées,
Coule le temps,
Coule la peine.
Marie Louise SIMION
Pour Léon
Ne bois pas tant Léon ! Redresse- toi bonhomme,
Arrache de tes jours ce délire brutal,
Cet amour insensé, cet abîme fatal,
Les feux de la Saint-Jean ne sont pas pour ta pomme !
Petit, regarde-toi ! Ton effigie, en somme,
D’un Apollon n’a rien qui frise l’idéal,
Tu restes bagatelle à ses yeux de cristal :
Un amant trop naïf que l’ivresse consomme.
Ne coule pas au fond, je t’écrirai des vers
Plus chauds que le soleil, plus doux que les revers
D’un baiser désinvolte au bal de la commune.
Pour toi j’inventerai des rimes en couleurs,
Des mots prestigieux, des sonnets à la lune ;
Sur l’autel de l’oubli, j’irai poser des fleurs.
Marie Louise SIMION
La parlote
Entre fenêtre et cour, la parlote se glisse,
Commente un fait, dépêche une rumeur,
Et lorsque son public, à cœur, devient complice,
Elle souffle en solo son programme charmeur.
Infatigablement, l’intrigue se surpasse,
Compose un récital au profil indiscret,
Gorge à point ses rappels, et s’il reste un espace,
Sa verve emprunte aux mots leur magique secret.
Au dépens d’un soupir, elle ose une virgule,
Plaque un nouvel accord, pousse à l’infinitif
Un verbe interloqué, puis à voix majuscule
Reprend de la vigueur sur un impératif.
Quand son hymne impromptu lève un ban de louanges,
La faconde offre en prime un accent savoureux
Qui chante le soleil, l’amour et les vendanges,
Et comble les refrains de son art généreux.
A l’heure du bonsoir, la parlote grisée
Bascule son ivresse à l’ombre d’un repli ;
Un trémolo naissant de l’églogue épuisée,
S’échappe à pas feutrés pour se perdre en l’oubli.
Marie Louise SIMION
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Poèmes primés 2017 : 3ème prix
Eveil amoureux
A travers les volets, un rayon de soleil
Se glisse pour venir colorer de vermeil
Ton sourire épanoui sur le coin de ta bouche.
Au réveil du matin, quand bourdonne la mouche,
Ton regard de tendresse annonce le baiser
Et promet la caresse à mon corps apaisé.
Le geste de ta main conjugue la luxure
D’une chair qui se donne à l’âme la plus pure.
Les courbes de ton corps dessinent l’horizon
Que ma main peut toucher au sein de la maison.
Qu’elle soit allumée ou qu’elle soit éteinte,
La lumière en nos cœurs éclaire notre étreinte.
Il n’est rien de plus saint que ce divin péché
Auquel nous succombons au lever, au coucher
Et j’ose proclamer : « Ce n’est pas un blasphème
De s’unir dans la chair du moment que l’on s’aime »
Jean-Baptiste BERNARD
Evasion
Le vert du feuillage
Eclate d’un rire de jeunesse
Sur le bleu tendre du ciel
Et s’élève des roses
Un parfum de velours
Le matin glisse sans bruit
Je quitte la maison
Où mes désirs sont captifs
Pour respirer la joie
Au milieu des champs
J’écoute le rire des pierres
Sur les lèvres du chemin
Je croque à belles dents
La chair du jour
Sous un ciel comblé
De nuages folâtres
Qui broutent la colline
La surface de l’étang
Reflète la paix
Des eaux profondes
Jean-Baptiste BERNARD
Eté
Un rayon de soleil
Et l’été revient
Avec ses cohues de couleurs
Le chemin se glisse entrer les buissons
Tandis que des grappes d’oiseaux
Mûrissent sur les branches
Et que les fleurs neigent sur les haies
L’été nous rassasie d’odeurs
Et de couleurs qui chatoient
Dans l’herbe grasse des prairies
Où se lève une aube de lait
Sur la rousseur des bovins
A l’ombre de l’arbre
Qui tressaille sous son écorce
Blanc visage du jour
Le vent dévale la pente
Et notre visage jaillit
Dans un cantique de lumière
Le soleil engrosse la terre féconde
De fruits d’oiseaux
De fleurs hautes comme des arbustes
Où la moindre goutte de rosée
Enfante tout un arc-en-ciel
Le vent du large soulève ta robe
Son souffle humide baigne ton corps
Et ton visage rit comme une fleur
Tu prêtes la couleur de tes yeux
A la vague qui s’en empare à jamais
Et tu laisses tes rêves voguer
Au gré des flots vers des îles
Que tu imagines derrière l’horizon
Le soir tombe sur nous comme un caillou.
Jean-Baptiste BERNARD
Espoir
Dans cet univers en attente
Je peins de la lumière
Sur l’ombre du mur
Des papillons sur les fleurs
Du jardin abandonné
Des vagues sur le fleuve asséché
Des flammes dans le foyer éteint
Des épis de blé ou de riz
Sur le sable des déserts
Et des étoiles sur les cailloux
Je peins le ciel d’un bleu plus pur
La rivière d’un vert d’eau plus claire
Et le soir en rouge
Pour égayer le paysage
Je peins des feuilles
Sur les arbres morts
De la joie sur les matins gris
Et les jours de pluie
Des messages d’amour
Sur les vents soufflant du Nord
Et des sourires retrouvés
Sur les lèvres blessées
Des filles violentées
Je peins sur les vitres
La vision de l’espace à conquérir
Et l’espoir de rebâtir
Sur les ruines des villes.
Jean-Baptiste BERNARD
Read MorePoèmes primés 2017 : Prix de poésie libre
Tes adieux
Parce que, pour finir,
Il n’y a rien eu de plus beau,
Plus triste et solennel,
De plus limpide et de cruel,
Et de plus doux parmi les maux,
Que ton silence langoureux,
Et tes adieux. Tes adieux.
Pierre CHARRIER
Selena
Le sable était couleur de lune,
Le ciel couleur de feu.
Sur les monts gris-violet
Coulait une brume opaque.
La brume opaque était
Couleur de lait.
C’était l’été
Mais il faisait froid,
Froid et désertique,
Et les Dunes affairées,
Effrayées par le vent,
Charriaient leur sable mou.
Les créatures à la surface
N’y voyaient goutte,
Mais coûte que coûte
Déambulaient.
C’était l’été le sable était
Couleur de lune,
La lune couleur de lin.
Ruisselaient les ruisseaux
Couleur de brume,
Aux gouttes d’encre
Couleur de sang.
C’était l’été mais il faisait
Froid et désertique.
Et les Dunes affairées,
Effrayées par le vent,
Charriaient leur sable mou.
Pierre CHARRIER
Nuit
La nuit précède
Le jour précède
La nuit.
J’ai quelques gouttes d’espoir,
J’aime
La nuit.
L’histoire succède au vide et puis
Succède la nuit
Succède le jour
Succède l’espoir
Succède l’esprit aux traits tirés
Tant bien que mal sorti
De la nuit – tourmenté.
De la nuit tourmentée
Jaillit le jour
Jaillit la vie
Un peu d’amour
Jusqu’à la prochaine
NUIT
Pierre CHARRIER
La maison de l’attente
Ombre lumière grillons pluie vent,
Insectes et arachnides,
Bois qui craque, brume humide, sentiments du passé
Et passés sentiments,
Entremêlés de sensations nouvelles, nouvelles
Senteurs d’antan.
Résine, écorce, léger délabrement,
Grillons pluie vent, araignées, arantèles ;
La maison de l’attente. On attend.
Enfouis, oubliés, rangés si profondément
Dans un tiroir ancien, ici et avec nous,
Par-dessus, par-dessous, invisibles et partout,
Nos rêves usés d’enfants sommeillent.
Entourés par le vent,
Entourés par la pluie,
Par l’ombre et les grillons,
Sommeillent nos rêves usés d’enfants.
La maison de l’attente. On attend.
Pierre CHARRIER
Read MorePoèmes primés 2016 : 1er prix
DÉSENCHANTÉ
Remonter à contre courant
Jusqu’à la source des rivières
Comme les grands poissons mourant
Aux rives froides des gravières ;
Retrouver de l’onde première
Sous son chatoiement argenté,
Les jeux d’ombres et de lumière
Au soir d’un jour désenchanté.
Donner au verbe indifférent
La force pure des prières
Que l’amour accroche en pleurant
A la grille des cimetières ;
M’enraciner comme le lierre
Aux lieux où je fus enfanté
Encore une fois, la dernière,
Au soir d’un jour désenchanté.
Susciter un visage errant
Juste en refermant la paupière,
Retenir, dans son poing serrant
Des grains de sable et de poussière,
Par une grâce singulière,
La touffeur d’une nuit d’été,
L’essence d’une vie entière
Au soir d’un jour désenchanté.
Amis, daignez fleurir ma bière
De ce que les ans m’ont ôté
Pour m’aider à porter ma pierre
Au soir d’un jour désenchanté. ..
GILLES LE SAUX
QU’AVEZ-VOUS APPRIS ?
Qu’avez-vous appris, jeune fille,
Qu’on n’enseigne pas au couvent,
De ces pensers qu’on a souvent
Lorsque le cœur soudain vacille ?
Lorsque le drap rude émoustille
La pointe d’un sein émouvant,
Qu’avez-vous appris, jeune fille,
Qu’on n’enseigne pas au couvent ?
Lorsque le soir sous la charmille,
Vous vous allongez en rêvant
Aux gestes tendres et fervents
Des mes mains qui vous déshabillent,
Qu’avez-vous appris, jeune fille ?
GILLES LE SAUX
AU JARDIN
Venez ! Descendons au jardin
Et causons de choses légères !
Venez, ce soir mon cœur austère
Aspire à s’avouer badin !
Soyez le galant baladin,
Qui s’attache à ma robe claire,
Me surprenne et sache me plaire
Sous le ciel couleur lavandin !
L’ombre s’étend ! Si je frissonne …
C’est qu’il est trop doux cet automne
Au grisant parfum de cédrat.
Notre promenade si lente
M’enivre, infiniment troublante,
Ma main pesant sur votre bras.
La nuit invite aux jeux frivoles :
Enflammez-moi des phrases folles
Que le désir vous soufflera !
GILLES LE SAUX
A UNE HÉROÏNE DE ROMAN
Je suis un vieux jeune homme et je hante un vieux livre,
De ces romans jaunis à l’odeur de jardins
Qui, novembre venu, s’enluminent soudain
D’ocres roux rutilants sous le tain bleu du givre.
Vieux jeune homme fourbu, je ne sais plus que vivre
Un âge où s’enlaçaient les amoureux badins
Sous l’ombrelle cachés, cocottes et gandins
Et puis vous, ma douceur, à la toison de cuivre.
Quand je l’ouvre au signet, vous me laissez entrer
Afin qu’au fil des mots, quand germe mon envie,
Je puisse partager le cours de votre vie
Sous le regard moqueur que vous laissez filtrer.
Je vous plais, je le sais … mais vous êtres trop sage,
Car de votre candeur je ne puis recevoir,
Du bout de votre gant, qu’un geste d’au-revoir
Et le baiser promis, à la dernière page.
GILLES LE SAUX
Read MorePoèmes primés 2016 : 2ème prix
L’AMOUR EST MAINTENANT
Chercheur de perle fine et richesse lointaine
J’ai voulu revêtir l’habit de capitaine
Et j’ai pris pour marin avant d’appareiller
Ces mots qu’avait conçus mon cœur émerveillé…
Je ne regrette pas d’avoir fait le voyage
J’ai vogué vers l’espoir et trouvé son sillage
Un soir où je n’ai vu que ta seule beauté
Qui donnait à la mer toute sa volupté…
Je suis venu mouiller dans la crique du Tendre
Là même où tu n’avais jamais cessé d’attendre
Ce poète des nuits perdu sur l’océan
Qui tanguait solitaire entre ciel et néant…
Quand ton baiser d’une douceur exquise
Se posa papillon sur ma lèvre conquise
J’ai su que ce jour là j’avais atteint le port
Et que mon univers changerait de décor…
Je n’ai pas découvert l’améthyste et l’amphore
Mais ta voix m’a guidé ainsi qu’un sémaphore
Et tu devins ma force et ma seule raison
Quand à l’aube naissante où brûlait l’horizon
Nous avons pris le large escortés des sirènes…
L’amour est maintenant la mer où tu m’entraînes
Et chaque nuit j’entends son doux bruit se mêlant
Dans les moments d’extase au cri du goéland…
JEAN-PAUL SILVANO
IL EST DES SOIRS
Il est des soirs feutrés qui glissent sans rien dire
Sur le canal du temps où vont les jours défunts
Si complices parfois qu’ils sont comme un sourire
Qui resplendit dans l’air où vivent des parfums…
Il est des soirs divins et proches du sublime
Intimes confidents de notre vérité
Aussi doux que la voix qui soudain les anime
Qui sont comme un appel à la sérénité…
Il est des soirs d’extase aux portes de l’ivresse
Où frémissent déjà les appels du désir
Où dans l’ombre naissante une main qui caresse
Effleure le bonheur qu’elle cherche à saisir…
Il est des soirs de rêve invitant au voyage
Où le bleu d’un regard tendrement esquissé
Entraîne avec délice au creux de son sillage
Un ineffable espoir qui sera glissé…
JEAN-PAUL SILVANO
HARMONIE
J’entends une musique égrenant dans le soir
Les notes d’un arpège en perles de rosée
Translucide et légère au matin déposée
Par une main divine auprès d’un ostensoir…
Ce sont là des moments de pure poésie
Que cisèle l’orfèvre au sommet de son art
Et que transcende ainsi le génie de Mozart
Pour troubler la Beauté en cet instant saisie…
Dans l’extase où frémit où vibre notre corps
Aux portes du sublime et de la nuit naissante
Se profile soudain l’image évanescente
D’Elvira Madigan dansant sur ces accords…
Ce bonheur absolu cette douce harmonie
C’est peut-être cela qu’on nomme volupté
Pour offrir à nos âmes un peu d’éternité
Le temps d’un concerto ou d’une symphonie…
JEAN-PAUL SILVANO
Read MorePoèmes primés 2016 : 3ème prix
MESSAGE D’UNE PAIX AGONISANTE
Sur les restes d’un tronc du jardin dévasté,
S’abat le corps blessé d’une pauvre colombe.
Un rameau d’olivier fumant, de son bec, tombe.
Dans les yeux de l’oiseau, je vois notre cité.
Elle est là, sous un ciel par le malheur hanté.
Le sceau du mal y luit présageant l’hécatombe.
Sur la terre, un enfant jongle avec une bombe.
Imbu de vœux fatals, son destin est jeté.
La semence du mal, dans les cœurs prolifère,
Et la cité, jadis jardin, est champ de guerre.
L’enfant foule le livre et prend le pistolet.
L’œil de l’oiseau mourant m’épelle ce message :
« L’Arche dérive ! … Humain, pareil à l’agnelet,
Tu te laisses guider vers le lieu du carnage ».
LIMOURI BENNACEUR
SITE CHAMPÊTRE
Du ciel, un air grisant imbibe l’univers.
Je regarde ébloui, le mont charmer la plaine.
Ivre, le ruisseau chante en clapotis divers.
Au céleste parfum, la fleur s’unit sans peine.
Je regarde ébloui, le mont charmer la plaine.
Le silence est partout car dans le beau décor,
Au céleste parfum, la fleur s’unit sans peine.
Heureux, le pré séduit l’épi aux cheveux d’or.
Le silence est partout car dans le beau décor,
La flûte d’un berger ensorcelle le site.
Heureux, le pré séduit l’épi aux cheveux d’or
Qu’un souffle de zéphyr légèrement excite.
La flûte d’un berger ensorcelle le site.
Subjugués, les oiseaux narguent les rameaux verts
Qu’un souffle de zéphyr légèrement excite.
Du ciel, un air grisant imbibe l’univers.
LIMOURI BENNACEUR
VEILLÉE HIVERNALE
Dans le foyer ardent de mon petit taudis,
Une flamme se tord en une danse lente.
Chaque objet pousse au loin son ombre somnolente
Comme pour raviver les autres engourdis.
De ces recoins obscurs que le froid a verdis,
Après avoir senti la chaleur succulente,
S’éveillent doucement, l’aile encore indolente,
Deux petits moucherons, vite ragaillardis.
Les yeux mi-clos, un chat rêve dans le silence
De ce décor douillet mais sans nulle opulence.
Tout ressuscite au gré du brasier palpitant.
O solitude ! Un mot pour calmer l’insomnie.
Le songe, à la lueur d’un âtre crépitant,
Est le sentier qui mène à Polymnie.
LIMOURI BENNACEUR
Read MorePoème primé 2014 : ULYSSE NAUFRAGE
Lors du concours de poésie de l’Académie florimontane en 2014, voici le poème lauréat du 1er prix :
ULYSSE NAUFRAGÉ
Si souvent j’ai suivi ces volages sirènes
Dont le murmure obscur m’invitait à chanter
Des grâces des splendeurs que le flot démonté
Renvoyait par le fond, le silence en étrennes
J’ai tété tant de fois aux lèvres souveraines
Le nectar infernal de la Lyre, porté
Par l’espoir insolent d’enfin réinventer
L’univers, affranchi de leurs crocs de murènes
Mais le Verbe est ainsi que l’Amour quand il mord
Nouant ses propres rets lorsque, conquistador,
Je crois toucher du doigt la liberté promise
Echapper à son joug devient mutilation
Quand près de me noyer je rejoins sa faction
De poètes maudits que le limon enlise
Marie Schneider (Tous droits réservés )
Read MorePoème primé 2014 : LA DOUBLURE DORÉE DE L’OUBLI
Lors du concours de poésie de l’Académie florimontane en 2014, un des poèmes a reçu le Prix de poésie libre :
LA DOUBLURE DORÉE DE L’OUBLI
Tu es la vie dans la vie,
Le bruit de l’objet qui tombe,
Qui roule le long de mon ombre
Et tombe sur le tapis,
Sur la bordure rouge du tapis,
Puis s’immobilise et se tait.
Tu es le même espace,
La visite à l’invisible,
Le jardin aux grilles fermées,
Le mouvement régulier
Des étourneaux indécis
Le tout des nues endormies
Tu es la vie dans la vie
Le grondement d’un moteur
Aux moiteur du mois d’Août,
Le dernier soupir entendu
Quand le ciel en demi-cercle
Couvre les animaux de son feu
Tu es le même espace,
Le même point en mémoire,
Le même mot jamais dit
Qui a trouvé refuge
Dans son propre écho tu,
Dans la doublure dorée de l’oubli.
Emmanuel Roche (Tous droits réservés )
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