Florilège florimontan

Le titre pourrait sembler redondant si on interroge l’étymologie. En effet, florilège renvoie à fleur et l’adjectif florimontan à fleur des montagnes. La devise de l’ancienne Académie florimontane n’est-elle pas « flores frutusque », « des fleurs et des fruits » à laquelle le neveu de François de Sales, Mgr Auguste de Sales ajouta l’adjectif « perennes », c’est-à-dire « éternels ». parce que ce dernier constatait que « les Muses fleurissoient parmy les montagnes de Savoye, il fust à propos de l’appeler Florimontaine et de luy bailler pour devise : Fleurs et fruicts. »

La tradition s’est maintenue, traversant les siècles grâce à Jules Philippe, puis plus tard avec les concours de poésie créés au cours du XIXe et XXe siècles qui, chaque année, enrichissent notre Revue savoisienne. C’est dire que Thalie, la muse de la poésie, est bien présente au sein de notre Académie comme le prouve le numéro spécial (Hors série 2020, Spécial Coronavirus) de la revue nationale éponyme, Les Amis de Thalie, La vie au temps du coronavirus. Celle-ci a retenu trois créations poétiques de Florimontans bien connus. Il s’agit de Gilbert Chatenoud, de Georgette Chevallier et de Bernard Premat qui démontrent que les poètes ne font pas partie du cercle des poètes disparus mais sont bien vivants et présents malgré les affres dus à ce Covid 19.

Nous offrons aux lecteurs ces compositions qui meubleront vos heures de loisir et vous offrirons peut-être le viatique propre à combattre nos angoisses devant cette pandémie.

Commençons par les deux sonnets de Gilbert Chatenoud. Le premier est intitulé :

Le « Coronassassin » :
Voici que notre automne, autoritaire, pose
Au plus profond de nos peaux un silence vicieux
Qui nous fait, malgré nous, lever les mains aux cieux,
Pour tenter y cueillir une dernière rose…

Une royale fleur, frileuse, qui s’oppose
Au délétère flot du corona vicieux
D’empoisonner la sève, au flot silencieux,
De notre humanité chair…pris de sinistrose.

Rassurons nous, amis, nous ne sommes point seuls,
A voir cet inconnu entrouvrir les linceuls
De ce dernier chemin…menant au cimetière !

Combien de jeunes gens, Ô ! combien d’innocents,
Se meurent sous le feu de l’heure meurtrière,
Du « coronassassin »…dévoreur de nos sangs !

Gilbert Chatenoud

Le deuxième sonnet de G. Chatenoud pose la question du temps et de la fin de cette pandémie et des souffrances qu’elle fait subir à l’humanité

Jusqu’où

Va-t’en loin de chez nous dévoreur de sang chaud !
Retourne d’où tu viens, va mourir dans les flammes
De cet enfer de feu, où les antiques lames
Obéissaient aux vœux de foutus maréchaux.

Et coupaient dans les chairs, de malheureux gauchos,
De quoi nourrir le sang bouillant de ces infâmes
Démons dont s’entendaient les millénaires brames
Des assassines voix, cloîtrées en leurs cachots.

Par surprise, aujourd’hui, la folle pandémie
De son humain penchant pour la gastronomie
Universelle, en sait les mille et un parfums.

Jusqu’où laisserons-nous, pour cause d’ignorances,
Cet ennemi compter les milliers de défunts,
Innocents emportés, en d’horribles souffrances ?

Gilbert Chatenoud

§§§§

Georgette Chevallier y va de quatre Haïkus où dénonçant ce fléau elle esquisse un brin d’espoir en des lendemains meilleurs

Haïkus de circonstance

Hypocrisie
Coronavirus
Très élégant nom royal
Cachant une horreur…

***

Date Historique

Coronavirus
A noter dans les Annales
On s’en souviendra

Réconfortant

Coronavirus
Crainte partout mais aussi
Une chaude entraide.

***

Peu importe aux fleurs
Epanouies au jardin
Coronavirus

Georgette Chevallier

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Enfin dans cette anthologie un pastiche de la célèbre fable de La Fontaine que les lecteurs reconnaîtront facilement dû à la plume de Bernard Premat où perce un peu d’humour face à cette pandémie et au ressenti du 1er confinement. A travers les personnages cités vous reconnaîtrez des membres éminents de l’Académie florimontane .

Le Coronavirus !!!

Un mal qui répand la terreur
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
Le coronavirus (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux hommes la guerre.
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient confinés;
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie…

Le président de la Florimontane, devant ce cataclysme avéré
Par courriel interposé tint conseil, et dit : « Mes chers Amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune,
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
Ont fait de pareils dévouements.
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi en bon mauriennais, satisfaisant mes appétits gloutons,
j’ai dévoré force moutons
arrosés de blanc de Savoie
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense ;
Même s’il m’est arrivé quelque fois de manger
la part du berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse…
Tous les gens querelleurs jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun étaient de petits saints.
Cela allait du chablaisien à l’albanais, voire à l’ensemble des genevois.
Un Florimontan quelque peu rat de bibliothèque,
Tint cependant ces quelques innocents propos :
« La faim intellectuelle, l’occasion, la curiosité, et, je pense,
Quelque diable me poussant,
Je pris quelques Revues savoisiennes
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. »
A ces mots on cria haro sur le baudet,
Maître Yves, prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger la nourriture spirituelle d’autrui ! Quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Noble Delerce en son château de Montrottier s’en tint à cette ordalie
Les trois présidents des Sociétés savantes annéciennes rendirent de conserve
Le même verdict
Pour ôter cette brebis galeuse de la compagnie salésienne.
Et c’est ainsi que l’on ferma la permanence du jeudi matin
Que l’on s’abstint durant une quarantaine avant Pâques du miel salésien
Prenant la ferme résolution de ne point fréquenter quelque temps la ruche
Bourdonnante de La Florimontane
Heureux d’avoir échappé au virus qui s’infiltre partout dans les interstices culturels de la ville de Necy.
Pour cela il fallait expulser tous les bourdons ou frelons malotrus et indécis
Qui pouvaient polluer ce beau pays du Genevois.

Humoristiquement vôtre, tout en ne souhaitant pas revendiquer la place du baudet en question ou du rat de bibliothèque qui s’est égaré dans les rayons de la « librairie » de nos félins Florimontans à la recherche de quelques Revues savoisiennes épuisées.

Bonne et heureuse année 2021 en prenant soin de vous en attendant le vaccin

Bernard Premat

Posted on 4 janvier 2021 in Actualités, Poésie