Terza rima pour un leurre
J’irai danser ce soir, j’ai mis ma robe blanche
Mon jabot de soirée et mes souliers vernis,
Et puis je poserai du fard sur mon dimanche
Mon miroir retiendra mes profils rajeunis,
Je grimerai les torts d’une mèche rebelle,
Corrigeant l’impudeur des mirages ternis.
L’écho de ma jeunesse à l’instant m’interpelle,
Pour parer de soleil les traits de mon destin,
De ce leurre, à huis clos, je me ferai plus belle.
Ma muse, en verbe neufs, oubliera son latin,
Offrant à mes émois des rimes de lumière,
Nous valserons, bien sûr, jusqu’au petit matin.
Quand l’aube aux yeux fervents, de grâce coutumière,
Raccordera le jour à mon rêve épuisé,
Ma triste solitude en sera prisonnière,
Comme le chant final d’un poème abusé.
Marie Louise SIMION
Triste rengaine
Sous le pont des amours lassées,
Coule le temps,
Coule la peine.
Il est parti
Un soir d’été,
Avec une autre demoiselle.
Triste est la lune,
Tombe la pluie,
Il est parti,
Un soir d’été.
Les cœurs se brisent dans le vent,
Au loin s’en vont les beaux serments.
Sourd est la nuit,
Tombe la pluie,
Un soir d’été,
Il est parti.
Sous le pont des amours lassées,
Coule le temps,
Coule la peine.
Marie Louise SIMION
Pour Léon
Ne bois pas tant Léon ! Redresse- toi bonhomme,
Arrache de tes jours ce délire brutal,
Cet amour insensé, cet abîme fatal,
Les feux de la Saint-Jean ne sont pas pour ta pomme !
Petit, regarde-toi ! Ton effigie, en somme,
D’un Apollon n’a rien qui frise l’idéal,
Tu restes bagatelle à ses yeux de cristal :
Un amant trop naïf que l’ivresse consomme.
Ne coule pas au fond, je t’écrirai des vers
Plus chauds que le soleil, plus doux que les revers
D’un baiser désinvolte au bal de la commune.
Pour toi j’inventerai des rimes en couleurs,
Des mots prestigieux, des sonnets à la lune ;
Sur l’autel de l’oubli, j’irai poser des fleurs.
Marie Louise SIMION
La parlote
Entre fenêtre et cour, la parlote se glisse,
Commente un fait, dépêche une rumeur,
Et lorsque son public, à cœur, devient complice,
Elle souffle en solo son programme charmeur.
Infatigablement, l’intrigue se surpasse,
Compose un récital au profil indiscret,
Gorge à point ses rappels, et s’il reste un espace,
Sa verve emprunte aux mots leur magique secret.
Au dépens d’un soupir, elle ose une virgule,
Plaque un nouvel accord, pousse à l’infinitif
Un verbe interloqué, puis à voix majuscule
Reprend de la vigueur sur un impératif.
Quand son hymne impromptu lève un ban de louanges,
La faconde offre en prime un accent savoureux
Qui chante le soleil, l’amour et les vendanges,
Et comble les refrains de son art généreux.
A l’heure du bonsoir, la parlote grisée
Bascule son ivresse à l’ombre d’un repli ;
Un trémolo naissant de l’églogue épuisée,
S’échappe à pas feutrés pour se perdre en l’oubli.
Marie Louise SIMION
Posted on 11 décembre 2017 in Poèmes primés