Poèmes primés 2022 : 1er prix

La naissance

Elle est attente, espoir. Ses pas, d’abord discrets,
Sont l’écho d’un cœur neuf qui commence de battre ;
Et, comme un feu couvant depuis longtemps dans l’âtre,
Un jour elle s’apprête à livrer ses secrets.

Et puis, par elle enfin, se dévoilent nos traits.
Nous voici donc au seuil d’un étonnant théâtre,
Où s’agite déjà, sous sa voûte bleuâtre,
Un riche essaim d’acteurs maladroits et distraits.

En ce monde inouï, qu’il faudra faire nôtre,
Nous trouverons peut-être un cher semblable en l’autre,
Un étranger sans doute au fond de notre esprit.

Plonger dans l’inconnu, ce n’est que cela, naître ;
Et là, sous un regard qui soudain nous sourit,
S’éveille alors en nous le sourd vertige d’être.

L’inextinguible soif

L’homme a toujours voulu découvrir et connaître :
ll traversa les monts, l’océan, les déserts,
Et du cœur des volcans aux sources des geysers,
Il n’est rien que son œil obstiné ne pénètre.

Les astres, qui le soir brillent à sa fenêtre,
Il les scrute et en fait des ouvrages diserts ;
Il sonde ce qui vit sur terre et dans les airs,
Et tente d’éclaircir le tréfonds de son être.

Ce sont les premiers pas du jeune explorateur,
L’imaginaire avide et vibrant du lecteur,
Ou les yeux grands ouverts de l’enfant à la vitre ;

C’est l’esprit pur du sage espérant s’entrevoir,
Ou le front du chercheur penché sur son pupitre,
Mais toujours brûle en nous cette soif de savoir !

Un sens à mon existence

Les notes et les mots illuminent ma nuit ;
Ils sont la source où mon esprit se désaltère ;
Mon cœur s’enivre d’eux, et, bien que solitaire,
Je ne me sens ni seul, ni miné par l’ennui.

Les vers et les accords m’ont lentement construit,
En conservant toujours leur superbe mystère.
Voilà mon vrai pays sur cette étrange terre,
Ce monde hypnotisé par l’image et le bruit.

Musique et poésie, ardents et chers murmures
Venant à flots subtils traverser les armures
Afin de faire naître un ineffable émoi.

Leur présence m’incite à vivre et vivre encore ;
Quand j’ai perdu la vue, elle a su mettre en moi
Les doux rayons d’une aube et l’espoir d’une aurore.

Élan vers la vie

Marche rêveusement, hardiment, mais sans chaîne ;
Laisse s’emplir d’air pur l’écrin de tes poumons ;
Entends ton cœur qui bat plus fort quand nous aimons,
Repoussant loin la peur de notre fin prochaine.

Parle avec retenue ou ferveur, mais sans haine;
Recueille les conseils plutôt que les sermons ;
Apprivoise la voix de tes propres démons,
Et fais de tout silence un vase d’oxygène.

Sois sage ou bien rebelle, en demeurant humain ;
Savoure chaque jour sans songer à demain:
Si précaire est la vie, et nous n’en avons qu’une,

Alors fuis l’amertume et le ressentiment,
Tente d’éteindre en toi le fiel et la rancune,
Et danse, danse encore, infatigablement !

LAURENT NOGATCHENSKY

Posted on 12 décembre 2022 in Poèmes primés