"Bienvenue sur le site de l’Académie florimontane"

Héritière de la première académie de langue française, créée en 1607.
Aujourd’hui membre de la Conférence Nationale des Académies (CNA) et de l’Union des Sociétés Savantes de Savoie (USSS)

Conférences : programme du 4ème trimestre 2021

Posted on 14 septembre 2021 in Conférences

Les conférences ont lieu à 17 heures, salle Yvette Martinet, 15 avenue des Iles à Annecy (ligne de bus 6, arrêt Espace Yvette-Martinet).

  • Mercredi 6 octobre 2021 : Marie-Claude RAYSSAC « Indésirables ordures : la gestion des déchets urbains à Annecy du XVIII° siècle à nos jours »,
  • Mercredi 3 novembre 2021 : Jean Henri VIALLET « Marie-Christine de Bourbon, épouse du roi Charles-Félix »,
  • Mercredi 1er décembre 2021 : Solange JEANBERNE « Rapport du concours de poésie ».
Read More

Florilège florimontan

Posted on 4 janvier 2021 in Actualités, Poésie

Le titre pourrait sembler redondant si on interroge l’étymologie. En effet, florilège renvoie à fleur et l’adjectif florimontan à fleur des montagnes. La devise de l’ancienne Académie florimontane n’est-elle pas « flores frutusque », « des fleurs et des fruits » à laquelle le neveu de François de Sales, Mgr Auguste de Sales ajouta l’adjectif « perennes », c’est-à-dire « éternels ». parce que ce dernier constatait que « les Muses fleurissoient parmy les montagnes de Savoye, il fust à propos de l’appeler Florimontaine et de luy bailler pour devise : Fleurs et fruicts. »

La tradition s’est maintenue, traversant les siècles grâce à Jules Philippe, puis plus tard avec les concours de poésie créés au cours du XIXe et XXe siècles qui, chaque année, enrichissent notre Revue savoisienne. C’est dire que Thalie, la muse de la poésie, est bien présente au sein de notre Académie comme le prouve le numéro spécial (Hors série 2020, Spécial Coronavirus) de la revue nationale éponyme, Les Amis de Thalie, La vie au temps du coronavirus. Celle-ci a retenu trois créations poétiques de Florimontans bien connus. Il s’agit de Gilbert Chatenoud, de Georgette Chevallier et de Bernard Premat qui démontrent que les poètes ne font pas partie du cercle des poètes disparus mais sont bien vivants et présents malgré les affres dus à ce Covid 19.

Nous offrons aux lecteurs ces compositions qui meubleront vos heures de loisir et vous offrirons peut-être le viatique propre à combattre nos angoisses devant cette pandémie.

Commençons par les deux sonnets de Gilbert Chatenoud. Le premier est intitulé :

Le « Coronassassin » :
Voici que notre automne, autoritaire, pose
Au plus profond de nos peaux un silence vicieux
Qui nous fait, malgré nous, lever les mains aux cieux,
Pour tenter y cueillir une dernière rose…

Une royale fleur, frileuse, qui s’oppose
Au délétère flot du corona vicieux
D’empoisonner la sève, au flot silencieux,
De notre humanité chair…pris de sinistrose.

Rassurons nous, amis, nous ne sommes point seuls,
A voir cet inconnu entrouvrir les linceuls
De ce dernier chemin…menant au cimetière !

Combien de jeunes gens, Ô ! combien d’innocents,
Se meurent sous le feu de l’heure meurtrière,
Du « coronassassin »…dévoreur de nos sangs !

Gilbert Chatenoud

Le deuxième sonnet de G. Chatenoud pose la question du temps et de la fin de cette pandémie et des souffrances qu’elle fait subir à l’humanité

Jusqu’où

Va-t’en loin de chez nous dévoreur de sang chaud !
Retourne d’où tu viens, va mourir dans les flammes
De cet enfer de feu, où les antiques lames
Obéissaient aux vœux de foutus maréchaux.

Et coupaient dans les chairs, de malheureux gauchos,
De quoi nourrir le sang bouillant de ces infâmes
Démons dont s’entendaient les millénaires brames
Des assassines voix, cloîtrées en leurs cachots.

Par surprise, aujourd’hui, la folle pandémie
De son humain penchant pour la gastronomie
Universelle, en sait les mille et un parfums.

Jusqu’où laisserons-nous, pour cause d’ignorances,
Cet ennemi compter les milliers de défunts,
Innocents emportés, en d’horribles souffrances ?

Gilbert Chatenoud

§§§§

Georgette Chevallier y va de quatre Haïkus où dénonçant ce fléau elle esquisse un brin d’espoir en des lendemains meilleurs

Haïkus de circonstance

Hypocrisie
Coronavirus
Très élégant nom royal
Cachant une horreur…

***

Date Historique

Coronavirus
A noter dans les Annales
On s’en souviendra

Réconfortant

Coronavirus
Crainte partout mais aussi
Une chaude entraide.

***

Peu importe aux fleurs
Epanouies au jardin
Coronavirus

Georgette Chevallier

§§§§

Enfin dans cette anthologie un pastiche de la célèbre fable de La Fontaine que les lecteurs reconnaîtront facilement dû à la plume de Bernard Premat où perce un peu d’humour face à cette pandémie et au ressenti du 1er confinement. A travers les personnages cités vous reconnaîtrez des membres éminents de l’Académie florimontane .

Le Coronavirus !!!

Un mal qui répand la terreur
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
Le coronavirus (puisqu’il faut l’appeler par son nom),
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux hommes la guerre.
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient confinés;
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie…

Le président de la Florimontane, devant ce cataclysme avéré
Par courriel interposé tint conseil, et dit : « Mes chers Amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux ;
Peut-être il obtiendra la guérison commune,
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
Ont fait de pareils dévouements.
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi en bon mauriennais, satisfaisant mes appétits gloutons,
j’ai dévoré force moutons
arrosés de blanc de Savoie
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense ;
Même s’il m’est arrivé quelque fois de manger
la part du berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse…
Tous les gens querelleurs jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun étaient de petits saints.
Cela allait du chablaisien à l’albanais, voire à l’ensemble des genevois.
Un Florimontan quelque peu rat de bibliothèque,
Tint cependant ces quelques innocents propos :
« La faim intellectuelle, l’occasion, la curiosité, et, je pense,
Quelque diable me poussant,
Je pris quelques Revues savoisiennes
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net. »
A ces mots on cria haro sur le baudet,
Maître Yves, prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger la nourriture spirituelle d’autrui ! Quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Noble Delerce en son château de Montrottier s’en tint à cette ordalie
Les trois présidents des Sociétés savantes annéciennes rendirent de conserve
Le même verdict
Pour ôter cette brebis galeuse de la compagnie salésienne.
Et c’est ainsi que l’on ferma la permanence du jeudi matin
Que l’on s’abstint durant une quarantaine avant Pâques du miel salésien
Prenant la ferme résolution de ne point fréquenter quelque temps la ruche
Bourdonnante de La Florimontane
Heureux d’avoir échappé au virus qui s’infiltre partout dans les interstices culturels de la ville de Necy.
Pour cela il fallait expulser tous les bourdons ou frelons malotrus et indécis
Qui pouvaient polluer ce beau pays du Genevois.

Humoristiquement vôtre, tout en ne souhaitant pas revendiquer la place du baudet en question ou du rat de bibliothèque qui s’est égaré dans les rayons de la « librairie » de nos félins Florimontans à la recherche de quelques Revues savoisiennes épuisées.

Bonne et heureuse année 2021 en prenant soin de vous en attendant le vaccin

Bernard Premat

Read More

Sortie culturelle 2020

Posted on 20 avril 2020 in Sortie culturelle

Les circonstances actuelles nous imposent de reporter à l’année prochaine la sortie culturelle qui était programmée pour le jeudi 18 juin 2020 en gardant le même programme : visite de l’abbaye de Brou et du village de Pérouges dans l’Ain.

En effet, même si la fin du confinement nous est annoncé pour le 11 mai, nous ne pourrons pas organiser de rassemblement de plus de deux personnes jusqu’à une date indéterminée.

Nous regrettons d’avoir été contraints de prendre cette décision, mais notre santé à tous doit être privilégiée.

Read More

Poèmes primés 2019 : 1er prix

Posted on 11 décembre 2019 in Poèmes primés

Le présent magnifique

Telle une main tendue au moment du naufrage,
Une lumière intense au milieu de la nuit,
L’amitié peint de bleu le front bas de l’orage
Et change en oasis la fureur et le bruit.

Comme, dans le désert, la source bienfaisante
Offre à l’homme égaré la fraîcheur de son eau,
De ce présent jaillit une force apaisante
Qui revêt de soleil le plus sombre tableau.

Sur le chemin semé de rires et de larmes
Se croisent des tourments et des bonheurs soudains.
Le chagrin se fait lourd à porter seul, sans armes,
Les plaisirs partagés sont de tendres jardins.

Quand l’amitié viendra frapper à votre porte
A petits coups discrets, surtout recevez-là ;
Un merveilleux ballet de colombes l’escorte,
Suivi de chérubins en habits de gala.

Roger Chevalier

Paysage d’hiver

De timides flocons se posent au matin,
Imprudents éclaireurs fascinés par la lande,
Dévorés sur-le-champ par la terre gourmande,
Mais préparant le sol à un autre destin.

Bientôt la neige étend, pour un joyeux festin,
Sur les toits et les prés, sa grande houppelande,
Et parsème les bois d’une riche guirlande
Dont perles et brillants parent le blanc satin.

Des enfants radieux façonnent le visage
D’un bonhomme béat devant ce paysage ;
Les foyers font danser leur lente exhalaison.

Le gentil ruisselet murmure dans la combe ;
Enfin quand, à son tour, doucement la nuit tombe,
Chacun clôt ses volets sur la rude saison.

Roger Chevalier

Lointain souvenir

La cité, la nation rêvaient de ce voyage.
Une foule fiévreuse attend dans le matin
L’aurore d’un espoir au milieu de l’orage,
Le messager porteur des signes du destin.

Les trois oiseaux géants, posés, cessent leurs trilles ;
La fourmilière humaine abjure les égards :
Son premier rang gémit, pressé contre les grilles ;
De jeunes insensés grimpent sur les hangars.

Et quand l’Homme paraît soudain dans la lumière,
Eclate brusquement la puissante clameur,
Unanime credo, chorale singulière,
Où se mêlent des chants aux larmes de bonheur.

Au pied de son avion le guettent les musiques,
Les hymnes, les discours, les levers de couleurs,
La troupe au garde-à-vous, les gestes symboliques,
Les mots accoutumés des maîtres bateleurs.

Autour de lui s’ébat la Cour de circonstance,
Ballet de conseillers et d’experts éminents,
Drapés de certitudes et bouffis d’importance,
Promenant sur les flots des regards dominants.

Enfin l’homme prend place, au milieu des vacarmes
Dans une limousine auprès du chancelier,
Piaffe à deux pas de nous qui présentons les armes,
Puis s’éloigne au galop, tel un preux chevalier.

Je revois bien souvent cette immense kermesse ;
C’était le vingt-six juin de l’an soixante-trois.
John Kennedy venait célébrer la grand-messe
À Berlin, près du mur où s’élèvent des croix.

Roger Chevalier

La récompense

Qui trop aime profit néglige d’être sage ;
Un aubergiste en fit le rude apprentissage.
Au temps jadis, Roland, gai luron du coteau,
Trouvant quelques bolets tapis parmi les herbes,
Les porte sans attendre au Prince du château,
Qui les reçoit, disant : « Tes cèpes sont superbes.
Pour te gratifier, prends cet écu d’argent ! »
Roland le remercie et file, diligent,
Pour s’offrir nourriture
Et conte l’aventure
A l’aubergiste, amer, qui songe, méprisant :
« Si, pour des champignons, il mérite une thune,
Que m’accordera-t-on pour un plus beau présent ?
Sans doute une fortune ! »
Le voilà qui mitonne un sublime festin
Avec viandes, poissons, desserts et chambertin :
De quoi gaver sans peine une belle assistance !
Il emmène au château ce banquet d’importance
Le montre au châtelain.
Le prince accepte, patelin,
Car il faire aussitôt le calcul de cet homme,
Et le vil intérêt qui le motive, en somme.
Lors pour récompenser son cadeau succulent,
Il donne à l’hôtelier…les cèpes de Roland !

Roger Chevalier

Read More

Poèmes primés 2019 : 2ème prix

Posted on 11 décembre 2019 in Poèmes primés

Paris, le 5 février 1847

Monsieur Armand Duval

J’écris un dernier mot au seul de mes amants
Que j’espérais revoir, enfin, franchir la porte…
Hélas, vous le lirez lorsque je serai morte
Après un long calvaire aggravé de tourments.

Car depuis que j’ai dû trahir nos doux serments
Sans expliquer pourquoi j’agissais de la sorte,
Je punis tant ce corps que l’étisie emporte
Qu’il ne restera rien de ses appas charmants.

La lettre paternelle, Armand, saura vous dire
Combien m’a coûté cher le pouvoir d’interdire,
En poignardant mon cœur, l’élan qui nous lia…

L’huissier prendra ma couche, un roman*où s’abrite
Un pétale jauni de blanc camélia.
Mais vous gardez l’amour de votre
Marguerite.

Gérard Laglenne

* Manon Lescaut, dédicacé par Armand, point de départ du roman d’Alexandre Dumas Fils

À MES GRANDS-PARENTS

Je revois mon grand-père : un visage ridé,
Creusé des longs sillons tirés de sa charrue,
Alarmé d’un orage, d’une grêle incongrue
Menaçant la révolte…un cheval débridé.

Je le revois agir, avec des mains calleuses
Que gerçaient les hivers dévorant trop de bois,
Qu’agressaient maints outils, une bête aux abois,
Et qu’il cachait, oisif, comme brebis galeuses.

Je revois ma grand-mère, et plonge dans ses yeux
Trempés de l’eau du puits chichement consommée,
Brûlé des feux du four, d’une lampe allumée,
Grands de tous les pardons rassérénant mes cieux.

Je la revois sourire – hélas, nous étions dupes ! –
Et remplacer les fils disparus, prisonniers,
En celant son chagrin pour que soient épargnés
La ferme et les petits accrochés à ses jupes.

Je me revois, farceur, badin sempiternel,
« fatiguant » deux vieillards maltraités par la vie,
Le sol souvent ingrat, la bêtise, l’envie,
Mais qui pourtant m’offraient tarte ou bonbon au miel.

Surchargeant leur travail, si pénible naguère,
Je gambadais, futile, heureux d’avoir six ans…
-Ne me dites jamais du mal des paysans
N’ayant eu de repos qu’au fond d’un cimetière –

Gérard Laglenne

L’inoubliable amour…

Un souffle de chaleur aux lourds relents d’éviers
Monte de la mangrove où l’on force un passage,
Essayant de prévoir le cheminement sage
Entre les nymphéas et les palétuviers.

Le danger peut venir de puants crocodiles
Enfouissant leur proie au fond de ce bourbier,
Des boas, du jaguar tombant d’un jujubier,
Ou des sables mouvants, de venimeux reptiles…

Lors, laissant la sangsue attaquer les jarrets,
Du regard nous sondons les profondeurs de l’onde,
Aventurons le corps dans cette fange immonde
Sans oublier la jungle étouffant ces marais.

Dès qu’émerge un sol ferme, exempt de pestilence,
Abruti de fatigue, habillé de ficus,
Chacun s’écroule enfin parmi les hibiscus
Et la faune, apeurée, alentour fait silence…

Se taisent les aras, quelques oiseaux-moqueurs,
Les singes curieux, l’agaçante perruche :
Seuls grognent deux tapirs, amateurs d’une ruche,
Engageant un conflit dont ils sortent vainqueurs.

Guetté de l’urubu, lugubre sentinelle,
J’observe un papillon butineur de pistils,
Assimilant son vol aux battements de cils
Qu’avaient ses yeux d’azur jouant de la prunelle …

Tout parle d’elle encore…A quoi bon voyager,
l’Amazone et le Rhône évoquent son visage,
C’est lui que je découvre en chaque paysage,
Aucun dérivatif ne vient me soulager !

Périr, loin du terroir, n’a plus rien qui m’emballe,
Autant rentrer chez soi pour y finir ses jours :
Fuir ajoute au chagrin de mes chères amours
Réduites à fleurir une pierre tombale…

Gérard Laglenne

DOUX AVEUX SOUS LA LUNE

ELLE : Quand le soir, sybarite, erre au bleu des roseaux,
Poursuivant l’horizon d’une brise frôleuse,
Séléné s’abandonne à ses voiles, frileuse,
La source, de cristal, frémit en blancs réseaux.

Il me souvient d’amours, d’attendrissants oiseaux,
Dont le chœur assidu, sous l’aile ensorceleuse,
Contait, pour m’endormir, l’histoire fabuleuse
D’un prince de jadis, hantant le bord des eaux…

C’est la nuit que je pleure, étouffant de tendresse,
Implorant mes demains d’alléger ma détresse,
Mais nul écho jamais ne répond à mon cri !

La lune ignore, aux bois, mes sombres nonchalances,
Epouse vainement mon jardin défleuri !
L’astre emporte mon miel…et mes brûlants silences !

LUI : Mais, comme au vent fripon frissonnent les roseaux,
Votre corps vibrera sous ma lèvre frôleuse
Si, devant mon ardeur, vous n’êtes plus frileuse,
Offrant à mes baisers de sensibles réseaux.

Venez dans le sous-bois, quand dorment les oiseaux,
Combler de désirs fous la nuit ensorceleuse
Et découvrir, enfin, l’étreinte fabuleuse
Pendant laquelle on vole, on marche sur les eaux…

Nos amours, partageant des trésors de tendresse,
Effaceront sans mal les moments de détresse,
Et seuls ceux du plaisir vous tireront un cri.

Car le temps qui se perd en tristes nonchalances,
Peut refaire un éden d’un jardin défleuri 
Pour peu qu’un doux aveu remplace vos silences…

Gérard Laglenne

Read More

Poèmes primés 2019 : 3ème prix

Posted on 11 décembre 2019 in Poèmes primés

LES SEPT DE TIBHIRINE

Neuf trappistes, piliers de l’idéal chrétien
Cultivent l’arc en ciel aux jardins de poussière,
Du bouquet de couleurs, font jaillir la lumière
Car l’ardeur de leur foi porte le quotidien.

Ils jurent de rester en sol algérien
Où cloche et muezzin annoncent la prière.
Malgré l’embrasement de la fièvre guerrière
Qui fait fuir le commun, les neuf n’ont peur de rien.

De leurs jours ils font don par passion divine.
Sept frères subiront la démence assassine,
Sacrifice invisible aux confins de l’Atlas.

Et pour ultime outrage étouffé par l’enquête,
– Comme pour profaner leur vie au ciel, hélas –
Des cercueils pleins de sable avec leur seule tête.

Pierre Bernard

LES DOIGTS JAUNES

Jeune il se croit hideux. Il est traumatisé.
Douze ans, torse étoilé, son image l’attriste.
Oreilles, nez, il voit sur un panneau vichyste
Son faciès trait pour trait et son cœur est brisé.

Auteur-compositeur ce dandy mal rasé
Séduit les sex-symbols de ses tours d’alchimiste.
De Verlaine à Prévert…posthume mélodiste,
Il modernise. On crie au pillard anisé !

Elevant l’art mineur au rang de poésie
Il décline l’amour jusqu’à la frénésie,
Mots puisés dans sa chair et son âme en lambeaux.

Le chanteur que pourtant, un grand nombre rembarre,
Me trouble, m’éblouit, de Gainsbourg à Gainsbarre …
Quand l’être et l’art ne font qu’un, dès lors les deux sont beaux.

Pierre Bernard

EN DROGUET GRIS

Combien de jours perdus, par lui-même détruits
De soleils éclipsés par des sombres rayures
De lunes sans clarté couvertes de hachures
Il aura vu passer à travers un pertuis ?

De cet univers clos il connaît tous les bruits
Les barreaux que l’on sonde et le choc des serrures
Les hurlements d’angoisse au réveil des blessures
Les coups que l’on échange en des instants fortuits…

Il rêvait du meilleur, pour ses enfants, sa femme
Il ne leur a légué qu’une existence infâme
De désespoirs, de pleurs et de lointains parloirs.

Il est un père, un fils mais toute la famille
Jusque dans la centrale, au fin fond des couloirs
Subit les discrédits dont la rumeur fourmille

Pierre Bernard

Confession

Dévoré de remords je ne peux oublier.
Du passé, des reflets viennent frapper ma glace.
Je revois mon erreur et mon être se glace.
En moi, grain après grain, gronde le sablier.

Ma pudeur a changé mon cœur simple en geôlier,
J’emprisonne ma honte et je la cadenasse
Car de mon âme à vif suppure ma disgrâce.
Dois-je m’immuniser, forger un bouclier ?

Un confesseur dirait ma faute rémissible.
Mon for intérieur la rend inadmissible,
Son sel creuse une plaie ouverte à tout jamais.

Ma mère aurait sa place au rang de bien des saintes.
Les bontés de mon père ont laissé mille empreintes.
Mon tort ! N’avoir pas dit combien je les aimais.

Pierre Bernard

Read More

Poèmes primés 2019 : Prix de poésie libre

Posted on 11 décembre 2019 in Poèmes primés

Soir et matin

Soie pourprée, linceul
du jour qui meurt.
Le soir étend son aile de cendre
dans un ciel griffé d’étourneaux,
leur cri rauque à la remorque
du crépuscule.

La lune jaune troue la nuit
de son œil rond de cyclope,
la multitude muette des ténèbres
monte à l’assaut des dernières lueurs
suspendues au feuillage
des grands arbres.

Demain après l’aube
se lèvera le grand midi
gorgé de quartz et d’or
et dans l’herbe froissée
un grand fatras d’insectes
glorifiera l’été.

Régine Bernot

Petite musique du matin

Repus de nuit, les yeux encore embrumés de rêves,
nous nous attablons devant le thé qui doucement infuse.
Un bruit à la fenêtre et nous tournons la tête
vers le chat qui frappe au carreau.
Ses yeux d’or, deux abeilles ardentes, se posent sur nous.
Enfouis dans la paix molle du matin, nous l’ignorons.
Le thé brûlant versé dans nos tasses,
nous écoutons la radio d’une oreille distraite
et les nouvelles ricochent sur l’eau calme de nos abandons.
Mais le chat insiste d’une patte impérieuse contre le carreau,
il veut sa part de chaleur et de caresses.
Nous échangeons beurre et confiture
et nos mains se frôlent comme deux tourterelles.
Nous beurrons nos tartines avec application,
faisant tinter des mots de rien,
juste pour entendre nos voix.
Nos corps retrouvent peu à peu le tempo du jour qui enfle,
adagio puis allegro
tandis que la patte du chat bat prestissimo,
avec la régularité d’un métronome ;
Tu as fini par te lever pour lui ouvrir le battant
Tu dis : Lui aussi a droit à sa part de tendresse.
Le chat s’est précipité vers son bol de croquettes
sans un regard pour nous
et nous avons ri de tant d’indifférence.

Régine Bernot

Crépuscule

Nous nous asseyons en bordure du jardin
dans les dernières lueurs du jour qui nous quitte.
C’est l’heure où tout s’apaise
entre chien et loup.
La terre mouillée par l’arrosage
exhale des odeurs primitives.
Les jacasseries des insectes ont cessé,
les bruits glissent dans la nuit réglisse.
Dans le ciel corbeau qu’harponne la cime des cyprès,
la lune ronde et molle comme une femelle gravide
a des éclats de porcelaine.
Nous rebroussons sans fin le chemin de nos souvenirs
et nos mots chuchotés virevoltent autour de la lampe
qui fait danser nos ombres,
par saccades comme dans un film muet.
Nous nous effleurons du bout des paupières
dans des tendresses de faon
tandis que la nuit lâche ses louves.

Régine Bernot

Rendez-vous au petit matin

Battement bleu des ailes
dans le matin clair,
une façade que maquille un reflet de soleil,
des remugles de cave dans les flaques d’ombre
d’une nuit qui s’attarde
et s’encagnarde dans les coins.

Le cri d’un volet qu’on ouvre,
une lampe allumée derrière le rideau,
les ombres mouvantes, pans coupés d’une vie.
Un pas neuf sur le trottoir de la boulangerie
et le carillon de la porte, son souffle tiède
avec l’odeur du pain tout juste sorti du four.

La rumeur crescendo à chaque carrefour
et, au gré des rues, tes pas hardis
qui te mènent sous les albizzias de la place
où tu as rendez-vous avec elle
et où tu conjugues l’attente
avec le passé simple de ton cœur.

Viendra-t-elle, jaillissant du couvert ?
Tu la vois déjà
qui s’avance vers toi,
vêtue d’insouciance bleue,
son pied dansant sur l’asphalte,
et son corps palpitant de lumière.

Régine Bernot

Read More